Sammy Traoré:
"Nous devons nous remettre en question "
Extrait
On va commencer par évoquer un peu l'actualité. Comment tu interprètes ce « malaise des banlieues » ?
C'est un gros problème. Tout est parti d'un événement tragique. Les jeunes des banlieues ont réagi à leur façon. Ces violences sont également l'évacuation de malaises cumulés depuis très longtemps. C'est une forme d'expression. Ils n'ont malheureusement que ce moyen pour se faire remarquer. Attention, je ne dis pas que c'est bien ou pas bien. Je ne me permets pas de porter de jugement. Mais c'est vraiment quelque chose de très compliqué à interpréter.
C'est un milieu que tu as bien connu. Parle-nous un peu de certaines de tes galères ?
Quand on est né dans une banlieue et que l'on est issu d'une famille de 11 enfants, on traverse souvent des moments compliqués. C'est loin d'être facile tous les jours. Par contre, je n'ai jamais manqué de rien. Mes parents se sont toujours tués à la tâche. Ils nous ont apporté tout ce dont on avait besoin. Il fallait également s'occuper de la famille qui était au Mali. Il est certain que lorsque je voulais un peu plus, il fallait que je le trouve par mes propres moyens.
Comment penses-tu que la situation actuelle peut évoluer ?
Le problème c'est qu'on
ne sait pas jusqu'où ça peut aller. Cela peut prendre des proportions énormes.
Les limites sont très difficiles à définir. On ne sait vraiment pas comment tout
ça peut s'arrêter. Imaginez seulement si tous ces jeunes se réunissaient ! Mais
je préfère avoir une vision positive et me dire que tout le monde va revenir à
la raison et que les choses vont redevenir plus normales. Pour autant, il faudra
une réflexion de la part de tout le monde parce que même si les incidents
s'arrêtent, le malaise sera toujours là... et redémarrera à la moindre
étincelle. Même si ce qui se passe est grave je pense qu'il faut s'en servir
pour essayer d faire évoluer les choses à l'avenir.
Penses-tu pouvoir
jouer un rôle de médiateur dans ce événements ?
Tu peux toujours avoir un
rôle de médiateur quand tu es issu d'un quartier. Mais ton pouvoir reste
restreins. J'essaye d'agir à mon niveau. Je conseille, je parle. Mais ce n'est
pas simple. Il est toujours difficile de faire changer d'avis quelqu'un. Quand
ces jeunes ont une idée en tête, ça devient dur de la leur enlever. Et puis en
plus il y a l'effet de massr qui est incontrôlable.
A Créteil, d'où tu es issu, existe-t-il tous ces débordements ?
Ce n'est pas le quartier
qui est le plus virulent actuellement. Mais c'est toujours un endroit à risque.
Il se passe toujours quelque chose là-bas.
Les événements qui se sont déroulés ces dernières nuits à Nice montrent que le
phénomène s'est étendu à toute la France. Qu'est-ce que tu préconiserais pour
stopper cette violence ?
C'est difficile de
préconiser quoi que ce soit. Je n'ai pas la prétention d'avoir une solution
miracle. Les « grands » pourraient peut-être faire de la prévention mais ce
n'est pas simple. Je pense que tout le monde est plus ou moins impuissant face à
cette situation. Sans être fataliste, s'il existait un remède au mal des
banlieues,
on le saurait depuis longtemps. Mais une chose est sûre, pour que les choses
évoluent, il est indispensable
d'instaurer un dialogue dans les deux sens. Je pense qu'aujourd'hui, c'est la
seule issue.
En tant que personne à la fois médiatique et issue d'un quartier, ne penses-tu pas que de nombreux footballeurs ou sportifs de haut niveau devraient prendre position publiquement ?
Je pense que personne ne
veut réellement se compromettre. C'est-à-dire que tout le monde à un peu la
crainte d'être jugé s'il prend une quelconque position. Tout ce qui est dit peut
être mal interprété. Et puis comment parler objectivement de ces problèmes ?
Nous manquons d'arguments concernant ces événements pour pouvoir véritablement
avoir un discours objectif. On ne maîtrise pas assez les différents tenants et
aboutissants.
Pour faire un
parallèle avec la situation du Gym, aucun joueur ne s'est réellement exprimé sur
les difficultés actuelles. Pour toi, quelles sont-elles ?
On est passé à côté de points qui étaient à notre portée. Notamment à domicile. Cela s'est joué à pas grand chose. Ces points en plus nous auraient fait du bien. Tout cela n'a donc pas arrangé les choses. Il y a un manque de confiance qui s'est installé. Et cela se ressent dans certaines situations. On a vraiment envie de bien faire et nous sommes frustrés de ne pas être mieux classés.
Des tribunes, on a eu le sentiment lors de chacune des défaites au Ray qu'il n'y avait aucun esprit de révolte. Qu'en penses-tu ?
Il est évident qu'on a
manqué de révolte après les buts. Il n'y a pas eu de véritable réaction au cours
de nos derniers matches à domicile. Ce but encaissé face à Bordeaux nous a
vraiment découragés. C'est tellement difficile de marquer. Dès que l'on encaisse
un but on a l'impression que l'on ne peut plus revenir au score. Que l'on ne
pourra pas gagner. Et il est vrai que cela nous inhibe.
Inconsciemment, la peur de mal faire dans ce nouveau projet de jeu n'a-t-elle
pas bridé l'impact physique qui était une des forces de ce groupe ?
On essaye d'être
performant au niveau du jeu que l'on développe. Il faut s'adapter à de nouvelles
méthodes. Cela prend du temps. Il est certain que pour le moment il nous manque
cette agressivité qui était une de nos qualités, mais cela n'a pas un rapport
direct avec le projet technique. Je pense juste que ça passe par une remise en
question. On doit arriver à avoir plus de hargne. Plus de détermination. Il ne
manque presque rien pour faire de belles choses. Dès que l'on aura réussi à
trouver un équilibre, nous serons plus performants.
Certains joueurs ne
devraient-ils pas prendre plus de responsabilités ?
C'est toujours délicat de
se mettre en avant. Je pense qu'il manque actuellement un leader naturel.
Quelqu'un qui soit meneur, fédérateur, décideur,... mais certaines vertus ne
s'inventent pas du jour au lendemain. Je pense que les joueurs les plus
charismatiques devraient essayer de prendre plus de responsabilités et les
joueurs qui ont un caractère plus réservé faire l'effort d'aller parfois contre
nature.
Ton rôle de capitaine depuis la blessure de Cédric Varrault t'a-til donné des
responsabilités difficiles à assumer ?
Cédric est un très bon
capitaine, mais ce n'est pas un garçon extraverti. Ce n'est pas évident pour lui
de toujours se mettre en avant. Le capitanat vous donne un statut particulier.
Vous avez d'autres responsabilités. Vous représentez un exemple. On attend
beaucoup de vous. J'essaye donc d'apporter tout ce que je peux. Mais je devrais
en faire plus. J'ai ce devoir de pousser l'équipe vers le haut et je n'y
parviens pas toujours. Je me remets souvent en question et je tente d'amener de
plus en plus à ce groupe. C'est d'ailleurs facilité par le fait que ce soit une
équipe saine et qu'il n'y ait pas de jalousies entre nous.
Penses-tu avoir le
profil du patron qu'il manque aujourd'hui ?
Je pense. Maintenant
c'est à moi de faire les efforts pour y parvenir. Il faut avoir beaucoup de
franchise et ne pas hésiter à communiquer énormément avec tout le monde. Et
c'est ce que je m'efforce de réaliser.
Les blessures de
Varrault et Bisconti n'ont-elles pas été préjudiciables au groupe ?
Sans faire de comparaison
avec les joueurs présents, il est certain que ces deux joueurs nous ont manqués.
Ils étaient tous deux titulaires avant leur blessure. Cela prouve bien que
c'était des joueurs importants pour le groupe. Cédric nous a toujours beaucoup
apporté. Quand à Bisconti, c'est un bosseur et un véritable guerrier. Cependant
tout le monde apporte un plus dans cette équipe. Chacun a ses propres
caractéristiques et un profil spécifique.
Avec le nombre de joueurs à tempérament dans le groupe, comment peut-on assister
à une deuxième mi-temps sans réaction comme celle contre Bordeaux ?
Il ne faut pas oublier
que Bordeaux est une très bonne équipe. Elle nous a beaucoup fait courir. Mais
il est vrai que l'on n'a pas su aller les chercher. On est resté dans notre
moitié de terrain. On a essayé de réagir mais c'était difficile. Comme je le
disais, on a un certain manque de confiance qui nous freine. Et puis les joueurs
de tempérament se trouvent en majorité dans les lignes défensives.
Qu'est-ce que vous vous êtes dit dans les vestiaires après le match ?
Le coach était
furieux. Il nous a vraiment secoués. Nous étions bien sûr très déçus. On a
beaucoup discuté après cette rencontre. On va tout faire pour réagir.
Avez-vous conscience de ce fatalisme ?
Bien sûr que nous en avons conscience. Le problème c'est que le doute s'est installé et il nous bride à un certain moment. Le fait que l'on ait du mal à marquer à domicile nous fait rapidement perdre notre confiance. On en parle d'ailleurs beaucoup entre nous. Et puis quand vous vous trouvez vers le bas du classement vous avez l'impression que rien ne va dans votre sens. Strasbourg représente bien ce phénomène. C'est une bonne équipe qui possède un bon jeu, mais elle manque souvent de réussite. Résultat, sa confiance baisse de match en match.
Mais malgré ce manque de détermination, n'est-il pas frustrant d'être quatorzième'au vu du contenu de certains matches ?
C'est même très
frustrant. Si on avait réussi à prendre quelques points en plus notamment face à
Sochaux, Nantes ou Saint-Etienne,... on serait sans doute à une très bonne
place. Et ce qui est d'autant plus frustrant c'est que l'on rencontre souvent de
grosses difficultés à domicile. On aurait envie de partager les victoires avec
les supporters. Ils le méritent bien. Mais on a du mal à obtenir des résultats
positifs au Ray.
Ce match de Bordeaux
ne risque-t-il pas de laisser des traces sur le plan moral ?
Je ne pense pas. De toute
façon, on ne pourra plus revenir en arrière. Il faut aller de l'avant et se
servir du positif et du négatif de cette rencontre pour continuer à construire
et à travailler. Nous n'avons perdu qu'un point sur ce match. Maintenant il est
évident qu'à domicile c'est toujours plus rageant.
Quel est l'état
psychologique du groupe aujourd'hui ?
Il n'y a pas de problèmes
particuliers. Nous avons un déficit de points mais nous savons que nous
possédons tout ce qu'il faut pour rebondir. Il y a une bonne ambiance et aucun
conflit ne tiraille le groupe. On travaille bien aux entraînements et on n'est
pas inquiet car on est conscient de nos possibilités. Maintenant, il faut réagir
sur le terrain.
Quel est le message du coach ?
Travail, travail, travail. Il faut également plus de combativité et plus d'agressivité à la récupération du ballon.
Cette trêve internationale n'est-elle pas le moment idéal pour tout poser à plat ?
On a deux semaines pour préparer le match contre Strasbourg. Il va donc y avoir beaucoup de communication. Cela nous donnera effectivement la possibilité de nous mobiliser et de nous remettre en question. Mais il ne faut pas non plus que cette rencontre devienne une obsession. Que ce conditionnement ait un effet inverse. La pression ne doit pas prendre le dessus sur le jeu. On ne peut pas arriver à Strasbourg et faire n'importe quoi. Il faut que cela se fasse progressivement. On parlera de ce match en temps voulu.
Comment tu vois cette fin de première partie de saison ?
Nous allons avoir des
matchs qui sont à notre portée sur cette fin de mi-saison. Il va donc falloir
cumuler un maximum de points.
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