Bill Tchato:

"Le gym m'a forgé un caractère"

 

 

Extrait

 

Ce petit point pris face à Lens laisse pas mal de déception...

C'est vrai qu'on garde un petit arrière-goût de cette rencontre. On a joué à onze contre dix pendant toute une mi-temps, mais je crois que samedi dernier on aurait pu jouer cent ans sans que ça rentre. On méritait les trois points sur l'ensemble de la partie. Ce match me rappelle un peu le début de saison où la réussite nous fuyait. Malgré tout on est resté concentré, il était important de ne pas prendre de but, on l'a fait. On espère juste ne pas revivre ce manque de réussite comme en début de saison. Le fond de jeu est là, physiquement on est bien, ça devrait aller pour la fin de championnat.

Justement, cette année contrairement aux saisons précédentes la trêve hivernale a bien été digérée...

La préparation physique d'avant-saison porte ses fruits. On a bien travaillé avec Nicolas (Dyon) et Jean-Marie (De Zerbi), on a bossé dur mais dans une bonne ambiance. Personne ne se plaint. Ça nous plaît même beaucoup de travailler comme ça, et ça paye ! Au niveau des résultats, on a su inverser la tendance en étant aujourd'hui à une place beaucoup plus conforme avec nos ambitions dans ce championnat.

Une place européenne est-elle encore envisageable via le championnat ?

Oui, bien sûr. On est 10e, on n'est pas largué par rapport aux équipes de tête. Tout reste possible. Et puis il y a cette finale de la Coupe de la Ligue qui se profile. Elle est déjà dans les têtes. On est obligé d'y penser mais sans oublier pour autant le championnat. Au contraire c'est une motivation car on sait qu'en proposant de bons contenus en Ligue 1, en restant concentrés et en travaillant dur, on arrivera encore plus sûrs de nos forces au Stade de France.

Cette finale face à Nancy ?

C'est la cerise sur le gâteau. Il est toujours intéressant de disputer un tel événement surtout qu'une victoire peut être synonyme de Coupe de l'UEFA la saison prochaine. Ça permet aussi de garder un grand intérêt pour la fin de saison. On va la préparer à fond sans trop la jouer dans nos têtes en sachant qu'une finale ça se gagne aussi avec le coeur. Le côté émotif compte beaucoup, mais par rapport à cet aspect on a peut-être plus d'expérience que Nancy.

Nancy ?

C'est une belle équipe qui réalise un beau parcours en championnat. Si les Lorrains en sont là aujourd'hui ça n'est pas par hasard. Ils sont dans la continuité de leur accession en Ligue 1. Même s'ils ont peut-être moins d'expérience que nous, une finale ça reste un match à part et au coup d'envoi ça sera du 50/50.

Le Stade de France ?

J'y ai joué 2 ou 3 fois avec la sélection du Cameroun. Ça reste quelque chose de particulier de jouer dans cette magnifique enceinte. Le Stade de France était encore en construction que j'avais déjà envie de fouler un jour cette pelouse. Y venir avec la sélection c'est bien, mais y monter avec le Gym ça sera encore plus fort. Ça veut dire que l'on dispute une finale avec son club et ça n'est pas tous les jours que l'on a une telle chance.

Toi qui as évolué à Nice dans les années D2, qu'est ce qui t'a le plus marqué à ton retour en 2005 ?

Déjà la première chose c'est que je me suis senti de suite à l'aise. Comme si je revenais à la maison. Je connaissais déjà du monde comme Damien (Grégorini), José (Cobos) ou Bruno (Valencony). De ce côté-là le club n'avait pas changé énormément. Après c'est sûr que le discours n'est plus le même. On sent aujourd'hui que l'OGC Nice a envie de grandir, de rattraper le retard que le club a pu accumuler à certaines périodes. Ça a beaucoup compté dans mon choix de revenir ici. Si on prend en compte tout ça, vous savez pourquoi j'ai reposé mes valises à Nice avec plaisir (rires).

Après Nice tu es parti pour Montpellier (avec une accession en Ligue 1 à la clé) avant de partir en Allemagne à Kaiserslautern, pourquoi ce choix de la Bundesliga ?

Quand j'étais à Montpellier et que j'ai eu la possibilité de découvrir un autre championnat, j'y ai d'abord réfléchi à deux fois car ça n'était pas la destination qui me faisait le plus rêver. Une fois sur place, j'ai tout de suite été séduit. Au niveau des installations, les clubs allemands sont bien en avance sur la France. Quand tu arrives à l'entraînement ou quand tu termines un match, tout est fait pour que tu sois dans les meilleures conditions et que tu ne penses qu'au foot. Tout est bien structuré. Et puis comment ne pas parler des supporters allemands... A Kaiserslautern, le stade était tout le temps plein, on devait avoir entre 25 et 30.000 abonnés dans une ambiance
extrêmement festive à chaque rencontre et sans incidents.

La bière dans les vestiaires mythe ou réalité ?

(rires)... Personnellement je ne bois pas d'alcool mais c'est effectivement le cas. Après les matches beaucoup
de joueurs n'hésitent pas à boire une bonne bière. Il ne faut pas oublier que ça fait partie de la tradition du pays, c'est dans la culture allemande.

Comment expliques-tu ces avalanches de buts en Bundesliga par rapport à la Ligue 1 et ses matches aussi fermés ?

Ce qu'il faut savoir c'est qu'en Allemagne on ne travaille pratiquement jamais l'aspect tactique d'une rencontre contrairement à ce qui se fait en France. Là-bas, l'essentiel c'est d'aller au charbon pendant 90 minutes. Après ça libère des espaces et les attaquants ont peut-être plus de liberté pour marquer. Les scores de 4-3, 5-4 sont fréquents en Allemagne, quand ça arrive en France c'est le match de l'année (rires).

Quand on est défenseur et qu'on vient du championnat de France ça ne doit pas être évident non ?

C'est vrai que c'est un peu plus dur de s'y faire par rapport à un attaquant par exemple. Mais l'expérience tactique acquise en France apporte forcément un plus. C'est un bagage supplémentaire. Ça aide.

Qu'est-ce qui t'a le plus marqué lors de ton séjour outre-Rhin ?

(Il réfléchit...) Je crois que ce sont les après-matches. Que l'on gagne ou l'on perde, tous les joueurs restent sur le terrain pour aller communier avec les supporters. Là-bas c'est un devoir que d'aller saluer et remercier ceux qui t'ont soutenu pendant 90 minutes.

Un joueur qui t'a impressionné ?

(sans hésitations) L'attaquant du Bayern, Roy Makaay. C'est un joueur à la fois puissant et technique. Il est impressionnant.

En  parlant de l'Allemagne, la Coupe du Monde approche...

Comme je l'ai dit tout à l'heure, en Allemagne le foot c'est la fête. On devrait avoir droit à une très belle Coupe du Monde. Les stades et les infrastructures sont magnifiques. Je pense que les supporters étrangers qui vont se rendre sur place vont être bluffés. C'est vraiment un grand pays de football.

Un favori pour cette Coupe du Monde ?

Ca reste très ouvert. Difficile de sortir un favori hormis le Brésil qui semble un peu au dessus. Je pense que l'Allemagne en tant que pays organisateur arrivera au minimum en demi-finale. D'ailleurs je vois bien une nouvelle finale Allemagne-Brésil. Ça serait pas mal. Personnellement ça me ferait plaisir de voir un pays africain aller loin. La Côte d'Ivoire reste la mieux placée. Les Ivoiriens font parti des outsiders. Ils ont été réguliers lors des éliminatoires et ils sont allés jusqu'en finale de la Coupe d'Afrique des Nations. Ça prouve leur potentiel. Je serai parmi les supporters de Baky (Koné) mais aussi des autres nations africaines.

Une Coupe du Monde sans le Cameroun malheureusement...

 C'est vrai. Au Cameroun cette élimination est vécue comme un véritable deuil national. Au pays, une Coupe du Monde sans le Cameroun ça n'est pas imaginable. C'est une grosse désillusion pour tout un peuple. Chez nous, le football a une place importante. Pour les c'est l'un des seuls moyens d'oublier les soucis quotidiens. Vous n'imaginez pas à quel point tout le monde est déçu, ce d'autant plus que l'on s'est fait éliminer en 1/4 de finale de la CAN par le rival ivoirien. C'est donc une double déception.

Comment expliques-tu que tu ne sois plus appelé sous le maillot des « Lions Indomptables » ?

C'est un petit peu particulier car j'ai toujours régulièrement été appelé en sélection. Ça n'est plus le cas depuis les deux dernières compétitions car j'ai eu un petit pépin physique et depuis la disparition tragique de Marc-Vivien Foé les dirigeants camerounais ne prennent vraiment plus aucun risque. Comme je ne souffrais pas d'un problème musculaire, là-bas on parle de problème « mystique » (il sourit). Le coach a donc souhaité me laisser un peu de côté. J'étais donc préparé à ne pas disputer la dernière CAN par exemple.

Tes relations avec le sélectionneur Arthur George ?

Je n'ai pas trop de contacts directs avec le coach. Avec Samuel Eto'o ou Rigobert Song il a ses lieutenants et porte-parole sur le terrain comme dans les vestiaires. Il a une méthode et je peux vous dire qu'il va jusqu'au bout de ses idées. C'est sans doute aussi plus difficile pour lui en Afrique qu'ailleurs. Vous savez, chez nous, beaucoup de personnes se mêlent de tout et veulent s'immiscer dans la vie de l'équipe et c'est d'autant plus compliqué pour le coach. C'est un entraîneur qui a du caractère et c'est aussi pour ça que parfois ça va jusqu'au clash.

Les rumeurs font état d'un possible départ d'Arthur George...

C'est vrai, mais sur le plan sportif, il n'y a pas grand-chose à dire. Si on fait le bilan, on se fait sortir des éliminatoires de la Coupe du Monde à cause d'un match nul contre l'Egypte et on perd aux tirs au but à la CAN. Ça se joue vraiment à pas grand-chose...

Samuel Eto'o ?

Ah Samuel c'est un grand monsieur. De l'extérieur il peut donner l'image de quelqu'un d'arrogant, qui parle beaucoup, mais c'est vraiment un homme simple et gentil. Il vient d'obtenir pour la 3e fois, le titre de meilleur footballeur africain (auparavant seul Abedi « Pelé » avait réussit cet exploit) ça n'est pas rien. Il a toutes les qualités d'un très grand joueur. Au Cameroun c'est une véritable idole. C'est sans doute l'homme le plus acclamé au pays. C'est vraiment très fort. Moi je ne peux pas me balader tranquillement dans la rue quand je rentre au Cameroun, alors imaginez un peu l'importance que ça prend quand il s'agit d'une star mondiale comme Eto'o...

Eto'o qui a été victime de chants à caractère raciste dernièrement en Liga espagnole (Le match Saragosse - FC Barcelone a été interrompu un moment, Eto'o menaçant de quitter le terrain avant de finalement regagner la pelouse), comment réagis-tu à ce type de violences qui ont tendance à se répéter dans les stades de foot (Espagne, Italie...) ?

J'aurais réagi de la même façon que Samuel (catégorique) ! C'est lamentable d'entendre ça sur ça sur un terrain de football. C'est à la fois méchant et bête. Autant se faire siffler. Ça encore, ça fait partie du jeu. Mais là, ça dépasse les limites. On est quand même en 2006 et on ne devrait plus entendre ce genre de choses dans un stade de foot.

En as-tu déjà été victime ?

Non jamais ! Mais personne n'est à l'abri. Ça peut m'arriver également.

Selon toi, que faudrait-il faire aujourd'hui pour éradiquer ce fléau ?

Il faut que ça cesse. Et pour marquer les esprits il faudrait prendre des sanctions lourdes, (il réfléchit) pourquoi ne pas sanctionner les équipes dont les supporters se comportent mal ? Ça calmerait peut-être quelques personnes agitées dans les tribunes.

Depuis le début de ta carrière, comment vois tu évoluer le monde du football ?

Je crois que la principale évolution se situe au niveau financier. L'argent est de plus en plus important dans notre sport. Aujourd'hui, il y a trois catégories de clubs, les très riches, la classe moyenne et les très pauvres qui ont beaucoup de mal à lutter et à peser. L'argent dans le foot n'a pas apporté que du bon. Il suffit de voir ce qu'il s'est passé lors du dernier Paris-SG-Marseille... On ne connaît peut-être pas toute l'histoire non plus... L'argent provoque parfois des dérives. Et puis, il y a des vraies différences de traitements entre les clubs. Quand le président lyonnais tape du poing sur la table, il est entendu. Si c'est le président d'un autre club moins puissant, il n'aura peut-être pas en face de lui la même oreille attentive. C'est pareil avec les arbitres. Il y a les gros clubs et les autres.

Tu es en contrat avec le Gym jusqu'en juin 2007, comment vois-tu la suite de ta carrière ?

Je vis au jour le jour. Je suis avant tout là pour prendre du plaisir. Je suis bien à l'OGC Nice et si on me propose une prolongation de contrat ça sera avec plaisir. Après, en foot tout va très vite, on ne sait pas où l'on sera demain. J'aimerais vraiment rester au Gym. J'ai un sentiment fort pour ce club avec qui j'ai connu pas mal de galères dans les années de D2. C'était parfois très difficile. Ce sont ces périodes qui forgent un caractère à un joueur et le Gym a aussi fait de moi le joueur que je suis aujourd'hui. C'est un club qui m'a beaucoup apporté et j'aurai toujours~'un regard différent sur l'OGC Nice.

L'après-carrière ?

J'ai pas encore réfléchi à l'après-foot mais j'aimerais servir mon pays. Si un professionnel pouvait permettre de faire progresser les jeunes, je serais le premier à accepter cette mission. Au Cameroun, les gamins ont un très fort potentiel, malheureusement il leur manque tout le côté matériel pour pouvoir réellement exploser. Je crois qu'avec des moyens un peu plus importants, un ou deux pays africains auraient déjà remporté une Coupe du Monde.

Pourquoi pas une carrière dans la pub ?

Vous voulez parler de la pub pour Puma ?(rires)

Exactement!

Puma est l'équipementier de l'équipe nationale du Cameroun, mais seuls trois joueurs sont sous contrat avec la marque. Samuel Eto'o, Eric Djemba-Djemba et moi-même. C'est donc à nous trois que l'on fait appel pour les tournages. C'est une belle expérience. C'est un monde intéressant à découvrir de l'intérieur. Une anecdote à ce propos, la pub est diffusée sur CNN et ça a permis à quelques amis installés aux Etats-Unis de pouvoir enfin me voir comme si j'étais près d'eux (rires).



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