Rohr : "Réussir à aligner une équipe européenne"

 

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Semaine après semaine, les performances de chacun (Echouafni, Traoré ou Pamarot dans l'axe, Scofto à droite, Meslin devant, ...) vous laissent entrevoir de nouvelles possibilités. Quels sont les avantages et les inconvéntents de cette concurrence accrue ?

À partir du moment où l'on arrive à conserver une émulation saine, la concurrence ne peut être que positive. Cela permet d'envisager de nouvelles possibilités tactiques comme nous avons pu le démontrer depuis plusieurs semaines, mais aussi de pouvoir faire tourner un effectif qui peut en avoir besoin. Nous avons pu le voir dernièrement avec les suspensions (de Pitau et Cobos notamment à Paris) ou les blessures (Roy). Avec l'arrivée de l'hiver, les terrains seront plus gras, les joueurs sollicités dans plus de compétitions avec les deux coupes nationales et pour certains la coupe d'Afrique des Nations, tout le monde aura donc l'occasion d'avoir du temps de jeu. Je pense que nous avons réussi ce que nous voulions faire à l'intersaison, à savoir réduire l'effectif en quantité et le rendre plus riche en qualité. Aujourd'hui, mon groupe comporte vingt joueurs tous capables de tenir leur place.

Avec les rentrées prochaines de Cobos, Pitau et Roy, pensez-vous devoir adapter votre gestion du groupe ?

Non, parce que comme je vous le disais, nous allons avoir besoin de tout le monde pour répondre aux échéances qui nous attendent dès ce mois de décembre. La logique veut que nous ayons encore des suspendus et des blessés, leur retour sera donc le bienvenu. Je ne me place pas dans une position où j'appréhende le fait d'avoir trop de joueurs à ma disposition. Je ne pense pas que ce soit le cas et je ne peux qu'être satisfait du retour de trois joueurs d'expérience. C'est un plus de les avoir, même si dans le cas d'Eric, il faudra un petit laps de temps pour qu'il retrouve le rythme. Et c'est dans ce type de situation qu'il est positif d'avoir un effectif riche, car cela permet de ne pas lui faire brûler d'étapes dans sa reprise par manque de solutions. Ce renforcement du groupe au niveau qualitatif est également une nécessité pour préparer l'avenir. Nous savons que des cadres actuels, comme notre capitaine José Cobos, ne sont pas éternels et il est rassurant de voir que nous avons plusieurs possibilités viables. Pour en revenir à la question, je ne pense pas qu'il soit besoin d'adapter quoi que se soit. Notre gestion est basée sur des notions telles que la complémentarité, la bonne ambiance ou la solidarité, et chacun comprend la situation de concurrence pour en avoir subi les conséquences au moins une fois dans sa carrière. Donc à moins que cela prenne des proportions malsaines, ce qui m'étonnerait, il n'y a pas lieu de changer notre méthode.

Etes-vous d'accord pour dire que le mois qui vient, avec les réceptions de Metz (en championnat et en coupe de la Ligue), Montpellier, Guingamp et le déplacement à Toulouse, va conditionner les ambitions du club pour la fin de saison ?

Certainement... On peut envisager trois possibilités : si nous arrivons à prendre 9 points sur 12, on se relancera dans le haut de tableau. Si nous ne parvenons à grappiller que 5-6 points, nous resterons dans la zone où nous sommes actuellement. Enfin, si on ne parvient pas à les prendre, nous rentrerons dans une période difficile. Affronter des adversaires situés dans le bas de classement peut être à double tranchant. Nous avions montré la saison dernière que ce n'était pas forcément les rencontres dans lesquelles nous étions le plus à l'aise, mais je pense que le groupe a mûri et que nous avons les moyens de bien franchir ce cap.

Vous avez sous-entendu qu'une fois le maintien assuré, vous tenteriez des coups pour optimiser les nuls. Pouvez-vous nous livrer certaines de vos idées pour faire évoluer le jeu de votre équipe dans son animation offensive ?

Notre problème, on le connaît. Il faut le regarder en face, il s'agit de notre capacité à marquer des buts. Nous sommes obligés de faire évoluer notre façon de jouer par rapport à la saison dernière car nous n'avons plus les mêmes caractéristiques devant. Personne n'a la vitesse de Kaba Diawara, il nous est donc difficile d'évoluer en contre-attaque. Pour franchir un cap, nous devons progressivement apprendre à jouer plus haut sur le terrain. Pour cela, nous devons aligner deux attaquants, et paradoxalement, c'est avec une seule pointe que l'équipe a été la plus efficace depuis le début de saison. À certaines occasions, il sera même possible que nous évoluions avec trois attaquants. On possède désormais plusieurs possibilités tactiques derrière (à 3, 4 ou 5), l'objectif va être maintenant de pouvoir varier les formules également devant. Thibault Scotto a montré qu'il pouvait être une solution dans le couloir droit et je crois beaucoup en Diakité côté gauche. Nous devons tendre vers un jeu plus conquérant. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. À part l'accident lyonnais, je sens les joueurs progresser, ils se font plaisir et gagnent en assurance dans le jeu.

Justement, quelles pourraient être les options pour le mercato ?

Aucune. Tout est très clair : nous n'avons aucune volonté de recruter. Nous sommes vraiment satisfaits du groupe actuel et il serait difficile de le renforcer davantage... Après, bien entendu, la venue d'un vrai plus serait souhaitable, mais le club n'a pas les moyens pour se payer ce joueur-là. Il n'y a donc pas de priorité pour l'instant. Tout le monde se retrousse les manches et travaille sans arrière-pensée. Notre collectif est assez soudé pour ne pas l'alourdir de joueurs supplémentaires. Le budget n'est pas extensible et la DNCG ne nous autorise à recruter qu'en compensation d'un départ. Un garçon comme Léonard pourrait cependant signer dans cette optique-là...

La rumeur Laurent Batlles pourrait-elle être une piste ?

Je ne vous cache pas que Laurent Battles est un joueur qui nous intéresse. C'est l'ami des uns et des autres, il est même venu nous voir à Auxerre dans le vestiaire après le match. Mais un contact ne veut pas dire grand-chose dans la mesure où il est toujours sous contrat avec Bastia. Sa polyvalence, ses coups de pied arrêtés pourraient nous apporter beaucoup et, qui plus est, il semble avoir la même conception que nous du groupe. Je ne vous cache pas qu'un jour ou l'autre, il pourrait être Niçois, mais rien n'est joué. Vous savez un footballeur avec ce profil est forcément sollicité par des clubs qui disposent de moyens que nous n'avons pas encore !

Véritable patron du secteur sportif, vous devez sans doute préparer une politique à plus long terme. Où en êtes-vous de cette fameuse liste de futurs Aiglons pour l'an prochain ?

Elle prend forme... Nous travaillons tous ensemble pour éviter de nous tromper. Un réseau sérieux se met en place. Roger Ricort voyage beaucoup pour élargir notre panel de sélection. Sa prospection est vraiment intéressante pour le futur du club. La cellule de recrutement commence d'ailleurs à s'étoffer avec l'arrivée de Bernard Sorco qui a une approche efficace, lui aussi. Gaby Desmenez, également, utilise les observations sur nos futurs adversaires pour nous renseigner. Progressivement, nous essayons de prospecter dans toute l'Europe avec un œil en Allemagne, en République Tchèque ou en Scandinavie. Mais nous ne sommes pas les seuls à regarder les rencontres et envoyer des émissaires. La concurrence se fait rude et il serait important de voir éclore des jeunes de notre propre centre de formation. Nos deux petits internationaux, Padovani et Scaramozzino, devraient être intégrés progressivement et d'autres suivront. Je pense notamment aux jeunes des 18 ans Nationaux qui font un super parcours cette année...

Ces agissements et cette implication prouvent un certain attachement à l'OGC Nice. Comment réagissez-vous aux rumeurs qui évoquent ici et là votre possible retour en Gironde ?

Je vous rassure, ils ne m'ont pas encore appelé ! J'attends le coup de fil... Non, sérieusement je ne pose pas de question sur un départ hypothétique à Bordeaux. Je me sens bien ici et commence à apprécier la ville et la région. La seule différence viendrait peut-être du calme et de l'espace qu'il y a en Gironde. Mais aujourd'hui, les dirigeants m'ont proposé un challenge que j'aimerais accomplir. Il me tient à cœur de réussir à bâtir une belle équipe à Nice. Puisque vous me poussez, je vous en parle et je prends les paris : l'idée est de réussir à aligner une équipe européenne pour l'inauguration du nouveau stade en 2006 ! Après ça, on parlera de mon avenir personnel...

Dans cette idée, par rapport à l'importance que vous prenez dans l'organigramme du club et dans la page d'histoire qui se construit, le principal danger pour la structure ne viendrait-il pas d'un départ de votre part entraînant une nouvelle ère délicate, semblable à ce que vit le LOSC après celui d'Halilhodzic ?

Je ne suis tout de même pas un dictateur ! À chaque fois que je suis parti d'un endroit, il s'est passé quelque chose d'intéressant après. Il n'y a jamais eu derrière moi de terre brûlée. Cette hypothèse n'est donc pas envisageable. Nous avançons en totale concertation entre les divers décideurs. Chez nous, il n'y a pas de « moutons noirs ». De la même façon que pour l'équipe, cette solidarité peut mettre en garde le club contre ce genre de problème. Il existera toujours des perspectives et ce même sans moi ! Le président Maurice Cohen a d'ailleurs eu cette volonté de privilégier une organisation à celle d'une personne. Son expérience de dirigeant sert d'ailleurs à éviter ce type de désagrément. Tout le monde adhère aux principes et je ne dérogerai donc pas à la règle. La seule vraie garantie à l'heure actuelle est cette équipe. Ainsi à l'image de la politique générale, dictée par les finances, il s'inscrit une philosophie partagée par tous. Croyez-moi, il est rare de trouver une telle harmonie. La communication est essentielle car dans les bons moments comme dans les moins bons, elle entretient la flamme au sein du club...

Comme à son habitude, l'OGC Nice a donné une image extrêmement disponible dans l'approche et le déroulement du match face au PSG. Quelle importance attachez-vous à cela ?

Je pense que comme Canal + finance près de la moitié des budgets des clubs pour les droits de retransmission, il est logique de renvoyer l'ascenseur. En plus, les partenaires du club sont contents de voir leur marque à la télé. Le fait de s'ouvrir est dans notre nature et tant que cela reste dans des proportions raisonnables, il n'y a pas de raison que l'on ferme la porte de notre vestiaire. C'est bon pour l'image du club et cela permet de dédramatiser l'événement. Je sais, et nous savons tous à Nice, que j'ai un groupe super et je veux que toute la France le sache. L'équipe est composée de professionnels qui s'éclatent dans leur métier aussi bien sûr qu'en dehors du terrain. C'est un des messages que nous avons envie de faire passer, nous sommes des professionnels qui devons montrer l'exemple et c'est dans ce sens que j'aimerais que notre attitude fasse tache d'huile dans d'autres clubs. Il faut quand même faire attention à ne pas s'exhiber ou s'afficher, mais j'ai des joueurs intelligents qui connaissent les limites à ne pas franchir. Comme du côté de Canal + il y a également de grands professionnels, tout se déroule dans le respect du travail de chacun.

Cette image véhiculée depuis plus d'un an a une influence certaine sur l'arrivée au club de nouveaux partenaires et sponsors. Le staff et les joueurs ont-ils conscience d'être les meilleurs « commerciaux » du Gym ?

Je pense qu'ils ont conscience d'être la locomotive, surtout les joueurs. Ce sont eux qui sont sollicités régulièrement, ils perçoivent leur poids médiatique et donc leur influence. À ce titre, ils savent que la bonne image du club passe par leur comportement au quotidien.

Votre capacité à « jouer » avec les médias vous fait jouir d'une importante cote de popularité. D'où vous vient cet art ?

Je ne joue pas avec les médias. C'est un terme qui peut laisser sous-entendre des ambiguïtés et il n'y en a jamais eu. J'ai toujours aimé le dialogue. Cela me fait plaisir, je ne me force pas. Je prône la franchise, ce qui fait que je n'hésite pas non plus à dire quand j'estime que les choses ne vont pas.

La série délicate que vous venez de vivre au mois de novembre est votre première à la tête de l'équipe. Certaines réactions et réflexions vous ont-elles touché et amené à réfléchir ?

Non, c'est normal de critiquer lorsque l'équipe ne gagne pas. Mais à partir du moment où personne n'a été blessant... Les gens qui ont critiqué l'ont fait avec tact. Les seules remarques qui m'ont touché venaient de dirigeants après le match à Lyon où ils ont insinue que nous avions fait le jeu du Bayern Munich. Après, nous avons le 19e budget du championnat et nous figurons dans la première moitié du classement... Tant que nous serons au-dessus de la barre de la relégation, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais nous allons surtout essayer de continuer sur notre nuage pour faire mieux.

Paradoxalement, votre vision sur la politique à tenir paraît en adéquation avec celle des actionnaires. Est-ce ces garanties qui vous placent dans les meilleures conditions pour travailler ?

Oui. Cette confiance est forcément appréciable. Les actionnaires me laissent une totale liberté dans le domaine sportif. C'est le genre de collaboration souhaitée par tout entraîneur. Je ne leur en veux même pas pour le manque de moyens. Ils ont hérité d'un environnement économique difficile. Nous travaillons dans ce sens pour changer la donne. J'aimerais effectivement qu'ils me donnent l'enveloppe nécessaire à prendre un Pauleta, mais nous faisons avec ! L'organisation est parfaite entre nous. Ils restent à leur place et « managent » le tout de façon très intelligente. J'apprécie encore plus leur ouverture d'esprit. Nous avons d'ailleurs assez bien surmonté le léger passage à vide du mois dernier. Je serais heureux maintenant que nous puissions supporter une vraie crise à l'avenir...

Le club grandit chaque jour, les possibilités existent et un projet concret semble se mettre en place. Cependant, existe-il certaines limites à ce développement ?

Actuellement, oui. Le stade du Ray, le centre d'entraînement, les finances apparaissent évidemment comme des limites au futur rouge et noir. Mais les efforts se font sentir afin de les gommer progressivement. Je tiens à souligner les liens avec la Mairie qui soutient le club à 100%. Sans son aide, il aurait sans doute été difficile l'an dernier de réussir à garder tous nos prêtés.

La question revient souvent au cours des interviews, mais elle prend de l'importance après dix-huit mois de changement radical. De quelle manière le club peut-il s'inscrire sur la durée ?

Dans le même esprit que la question précédente, il devient impératif de restructurer le club. Nous devons aller vite afin de s'engouffrer derrière les résultats encourageants. Le rapprochement définitif avec l'association est un paramètre intéressant. Maintenant, le club ne forme qu'une entité. À partir de là, chacun dans son domaine doit faire le maximum pour dynamiser l'édifice. Marketing, merchandising, sponsoring, les progrès sont considérables. Dans notre domaine, il y a une volonté d'améliorer constamment la qualité de l'équipe par une progression tactique. Les bases sont jetées, à nous de les exploiter. Notre recrutement se devra d'être encore plus efficace afin de minimiser les marges d'erreur. Mais le véritable changement interviendra avec la construction du « Grand Stade ». J'en ai parlé tout à l'heure avec l'horizon 2006 car il y a peut-être une possibilité d'avancer les travaux. Elle existe et les responsables planchent dessus. Laissons-les trouver la meilleure solution car il ne faudra pas se tromper. Ce projet déterminera la face du Gym dans les années à venir.

Quel sera le principal virage à ne pas louper au cours des prochains mois ?

Je pense davantage à un virage sportif. C'est l'équipe première d'un club qui tire le reste vers le haut. Nos résultats ont accéléré le renouveau nissart. À nous de continuer dans ce sens. Chaque samedi, il faut se remettre en question. Nous sommes le premier maillon d'une grande chaîne. Ce n'est pas facile. Il y aura des hauts et des bas, mais je le répète, c'est à la sortie d'une vraie crise que nous montrerons que nous sommes forts !

 

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