Les confidences de Gernot Rohr
Extrait
Avant d'évoquer les futurs contours rouge et noir, il semble opportun de vous demander si vous serez toujours l'entraîneur la saison prochaine ?
Oui, je serai là. Il y a
un projet qui existe ici et qui m'intéresse. Je pense que ce n'est pas le moment
qu'une des parties bifurque en cours de route. Malgré les rumeurs, nous sommes
tous encore présents à la barre du navire OGCN. L'évolution des dernières
semaines prouve bien qu'avec le Président, les actionnaires et tous les membres
actifs de la réussite d'aujourd'hui, nous avons une volonté de poursuivre la
construction d'un grand club...
De toute façon, les
dernières interventions du Président abondent dans ce sens...
Personnellement, j'ai
toujours été clair. On m'a annoncé partant, j'ai effectivement eu des
propositions, mais je n'ai jamais changé de discours. Je mie sens bien ici et il
n'est pas question que je parte cette année. Ces rumeurs sont venues de
différents horizons, mais je n'ai jamais été à leur origine. Pour autant, je
dois avouer que cela fait plaisir d'être sollicité et de recevoir des
propositions. En quelque sorte, cela valorise le travail que l'on fait au
quotidien.
Finalement, cette
première crise sportive a l'air d'avoir été bien digérée. Etes-vous satisfait
des réactions diverses : public, joueurs, dirigeants, médias ?
J'avais toujours dit : «
La force du club pourra se jauger à la réaction de tous après un passage à vide
! ». Nous ne l'avions jamais connu en deux ans. C'était une aubaine. Nous nous
en serions bien passés, mais devant le fait accompli, il est facile de se
réjouir de la réaction globale de tous. Nos supporters, c'est du costaud. Leur
performance contre Monaco avec une cinquième défaite consécutive parle
d'elle-même. Le président a été exemplaire, tranquille et efficace. Les
collaborateurs administratifs et techniques, loyaux. La réaction tout simplement
à la hauteur de notre parcours. Ainsi, mis à part deux ou trois personnes qui
nous ont tiré dessus, le club a fait preuve d'une solidarité exemplaire, mais de
toute façon, les autres se sont exclus d'eux-mêmes. Notre mauvaise période a
finalement ouvert les yeux à tous sur les difficultés de notre tâche. Nous
privilégierons toujours la force collective à l'impact individuel comme en
témoignent les décisions générales au sein du groupe. Il est utile de rappeler
que les départs de Marco, Eric, associés à l'affaire liée à Malek ont un
caractère exceptionnel. Personnellement, je n'avais jamais connu ça en 35 ans de
carrière ! Avec cette réflexion, il semble réel de dire que ces histoires
auraient sans doute secoué davantage un club fragile...
La répétition des affaires vous a-t-elle poussé à vous poser des questions sur votre avenir ?
Dans la mesure où j'ai eu
des propositions d'autres clubs, j'aurais pu me dire que c'était le début de la
fin... mais je n'ai jamais eu cette idée. Tout le groupe et le staff ont
accumulé un formidable vécu commun durant ces deux saisons qui ne doit pas
être remis en cause par une période difficile. Je peux même dire que la réaction
des supporters, associée aux nombreuses lettres que je reçois, m'a même renforcé
dans ma position. Quand tu sais pourquoi tu perds, il n'y a pas le feu au lac.
On avait conscience d'avoir laissé des forces en coupe Intertoto, mais aussi
d'avoir joué contre des équipes plus fortes que nous à domicile. Et pourtant, on
a frôlé l'exploit presque à chaque fois contre Lyon, Paris et Monaco. Enfin,
tout le monde attendait de voir comment le club réagiraient à la première «
crise », je pense qu'il en
est sorti grandi.
Et cette rumeur qui vous envoyait à Monaco ?
Elle est réelle. Je suis
obligé de vous expliquer ce qui s'est passé par un souci de clarté. L'idée est
venue d'un agent bien introduit qui m'a fait comprendre qu'une possibilité
existait. Mais effectivement, Monaco ne m'a jamais contacté directement. Si vous
parlez de cette hypothèse, je confirme aussi l'intérêt du Herta Berlin à la
trêve, d'un club anglais récemment et d'un futurpensionnaire de L1, il y a peu.
Je ne suis jamais allé au-delà de la simple discussion. Vous savez la vie d'un
club est faite de crises et de périodes délicates et c'est à ce moment précis
qu'il est important de se serrer les coudes. À partir du moment où vous vous
apercevez que c'est le cas, pourquoi aller chercher ailleurs...
Comment réagit un
coach face aux soubresauts de son groupe ?
On a vécu trois
événements exceptionnels, totalement imprévisibles, qu'il
faut dissocier les uns des autres. Il y a d'abord eu la disparition de Malek
Cherrad. Le groupe a tout fait pour l'aider, mais à partir du moment où le
Président a été menacé de mort par un de ses frères, nous l'avons naturellement
soutenu. Notre solidarité se manifeste également en dehors du terrain avec tous
les membres du club. Et puis, on a eu le sentiment que partir était peut-être la
bonne solution pour lui à un moment donné. Maintenant qu'il a donné de ses
nouvelles, nous mettrons tout en oeuvre pour l'aider à trouver un club. Le
deuxième cas est celui de Marco Simone. On a compris son dilemme, mais nous
avons toujours eu le principe de mettre les meilleurs sur le terrain et à cette
époque il s'agissait de Lilian Laslandes et Christophe Meslin. Il l'a compris
et a pris sa décision, nous la respectons. Nous nous sommes quittés en
gentlemen. Enfin, il y a l'arrêt d'Éric Roy. Son cas peut représenter un abandon
de poste. À 37 ans, après tous les moments forts vécus avec le groupe et en
tenant compte de ses blessures, de ses stages de reconversion, son choix
d'arrêter à un mois de la fin de saison est difficile à comprendre, surtout pour
un joueur qui souhaite faire sa reconversion au sein du club. Le principal est
que nous partagions avec le Président le même sentiment sur le sujet.
La tournure des
événements ne vous a-t-elle pas fait avancer dans votre réflexion et votre
approche quotidienne ?
Ce sont toujours de nouvelles expériences. Même en quarante ans de foot, vous apprenez tous les jours. Je le répète, je n'avais jamais vécu ça. Mais une chose est sûre, il ne pouvait y avoir d'autres issues. Seul pour Malek, le problème était ailleurs, loin du domaine sportif. Nous n'allons pas une nouvelle fois l'évoquer, seule la détresse du joueur compte aux yeux du groupe qui l'appréciait.
Après coup, regrettez-vous certains choix ?
Je regrette simplement
l'enchaînement de ces événements exceptionnels. Il ne nous a pas manqué
grand-chose. Après le match face à Marseille au stade du Ray, nous avions tous
des regrets et l'on ne voulait plus faire de 0-0. Cela s'est donc traduit par
une volonté d'aller plus de l'avant. Et si l'on analyse nos différents matchs
face aux gros, on se rend compte que contre Lyon on prend un but bête après
avoir produit du jeu. Face à Paris, il y a l'action scandaleuse d'Alonzo où l'on
doit mener 2-0, mais l'on réalise un de nos meilleurs matchs de la saison. Enfin
contre Monaco, on commence bien en gagnant la bagarre tactique avant d'encaisser
deux buts. Mais de façon générale, il faut admettre que des joueurs puissent
avoir des défaillances ou des coups de moins bien au niveau physique.
Justement, ces cinq
défaites consécutives ne poussent-elles pas à assumer cette volonté depuis le
début de consolider en premier lieu votre secteur défensif ?
Oui. Après le
non-match face à l'OM, nous nous sommes dit que c'était le moment de franchir un
cap, d'essayer de faire du jeu quitte à prendre plus de risques. À partir de là,
nous avons effectivement commencé à marquer davantage et surtout à le faire sur
de belles phases de jeu comme à Montpellier. Mais au final, à quel prix ? Nous
devons revenir à nos principes : solidité, rigueur et impact physique.
L'assise de notre équipe commence là. Il sera important dès le début de la
saison prochaine de retrouver cette philosophie et de la faire évoluer
progressivement. Cette volonté de faire du spectacle peut en fin de saison nous
laisser quelques frustrations. Cela semble exagéré comme raisonnement, mais
l'équation est bien réelle.
Est-ce cette
difficulté à faire des résultats en produisant plus de jeu qui a amené le
Président à déclarer que le club convoitait deux attaquants et un milieu
offensif pour renforcer l'effectif l'an prochain ?
Entre autres... Nous
avons besoin de deux attaquants notamment parce que nous risquons de perdre
Lilian Laslandes. Avec le départ de Malek, nous comptions un joueur offensif de
moins que nous avions compensé par l'arrivée de Marco Simone, mais aujourd'hui
il n'en reste aucun des deux. Si le départ de Lilian se confirme, on pourrait
donc avoir deux éléments de moins que cette saison dans ce secteur de jeu. Si
vous ajoutez à cela la relative fragilité de « Poussin », à qui je maintiens
toute
ma confiance, cela explique notre volonté. Nous avons aussi de bons jeunes qui
apparaissent dans le groupe professionnel, mais il est encore tôt pour compter
sur eux. Ils doivent être intégrés progressivement, comme nous le faisons en
cette fin de saison, sans avoir trop de responsabilités. Je résume, il nous faut
un joueur pour remplacer Lilian et un autre pour remplacer Malek.
Dans un autre registre l'arrivée de Sébastien Roudet confirme l'intention
générale de rafraîchir l'effectif ?
Je l'ai appelé dimanche
pour la première fois. D'ailleurs,l'interview de la semaine dernière dans votre
journal m'a permis de constater que le club ne s'était pas trompé sur le garçon.
Il a confirmé une nouvelle fois la parole donnée et la convention devrait
déboucher sur un contrat longue durée. Je vous avouerai que nous ne sommes pas
mécontents de concrétiser son arrivée, sachant qu'Auxerre et Saint-Étienne
revenaient régulièrement à la charge. C'est le joueur qui peut nous amener de la
vitesse à gauche. Avec Jarjat, qui est assez jeune aussi, nous rafraîchissons
effectivement tout notre côté gauche.
Entraînera-t-elle le
départ d'Everson qui évolue dans la même zone ?
Non, il entraînera celui
de Diakité, qui a besoin de trouver un temps de jeu que nous ne pouvons pas lui
offrir. Avec Sébastien Roudet, nous aurons de nouvelles possibilités tactiques.
Il pourra notamment permettre à Everson d'évoluer dans un rôle plus axial selon
le contexte. Cette arrivée va dans le sens que l'on souhaitait en élargissant
nos possibilités offensives.
Et dans le même ordre
d'idée peut-on interpréter l'arrivée de Jarjat, la promotion de Scaramozzino et
le possible maintien dans l'effectif de Léonard comme le signe d'un départ
programmé de Cédric Varrault ?
Cédric, nous voulons le
garder. Sauf, si Monaco nous fait une offre mirobolante (rires) ! Pour lui,
comme pour Noé, ils font partie d'un projet. Le seul conseil que je pourrais
leur donner est d'attendre encore une année avec l'assurance d'être titulaires
chez nous plutôt que de partir trop tôt. Ils sont jeunes, performants et
intelligents dans leur approche. Quoi qu'il arrive, il n'y aura pas de problème
avec eux !
Décideur au niveau
sportif, disposez-vous d'une enveloppe consacrée au recrutement ?
Je dispose de la bonne
volonté des actionnaires qui m'ont confirmé être prêts à faire un effort pour un
attaquant !
Est-ce qu'un joueur
comme Feindouno rentre dans vos objectifs ?
Alors là, j'aimerais bien ! Pour l'information, je peux même vous dire que
Pascal aussi ! Rappelez-vous qu'il avait déjà failli venir chez nous... Le seul
bémol à sa venue réside dans les problèmes offensifs bordelais. Chamakh file au
JO, Darcheville est out pour un moment et s'ils perdent Feindouno, cela pourrait
faire beaucoup. Mais aujourd'hui, je n'ai pas de crainte à dire que c'est notre
priorité. C'est un vrai investissement pour l'avenir. À la limite, nous
pourrions même faire un crédit bancaire et le rembourser sans beaucoup y perdre
à la revente (rires) ! Il n'y a pas le feu non plus. D'autres possibilités
existent. Je pense naturellement au retour de Kaba qui tergiverse au Qatar. Nous
effectuons un super boulot au niveau de la cellule de recrutement. D'ailleurs à
ce sujet, je tiens à souligner le gros travail accompli dans l'ombre par Roger
Ricort. Outre ces prospections au niveau des jeunes avec la découverte de
Bolshakov par exemple, il est d'une précieuse aide dans le recrutement en
général.
Les Pamarot, Varrault,
Pitau, Everson sont régulièrement l'objet de nombreuses convoitises. Quelle est
votre approche à leur sujet ?
Il est à la mode de dire que tout le monde est transférable, mais que l'on nous fasse d'abord des propositions. J'entends également beaucoup d'agitation autour de certains noms, et pourtant le club n'a jamais reçu d'offres concrètes pour aucun de ses joueurs. Nous n'avons donc pas pour le moment à nous positionner. Comme on dit « Wait and see »...
Pour vous, quelle est la bonne adéquation entre arrivées et départs pour que l'équipe reste compétitive ?
Nous comptons sur 24
joueurs. Je préfère voir les choses de cette façon, d'un point de vue général
avec l'incorporation de cinq à six jeunes. Il y a des garçons que nous ne
garderons pas comme Meriem, Benhaddou ou Gimenez et d'autres seront prêtés,
comme Kamudimba, Diakité ou Bakary. Nous étudions ensuite les opportunités qui
se présentent pour d'autres éléments du groupe, Georges Ba en particulier. Dans
cette liste, vous pouvez ajouter Desserne, qui a la possibilité de signer une
année supplémentaire et Dolci, s'il ne nous coûte rien. N'oubliez pas non plus
de signaler le retour de Serge Dié que nous conservons. Ensuite, chaque départ
sera compensé. Sans parler des renouvellements de José Cobos et de Bruno
Valencony, il est utile de préciser qu'il ne nous reste qu'un ou deux
trentenaire dans l'effectif. Nous poursuivons ainsi en douceur le rajeunissement
de l'effectif...
Les mouvements qui
vont intervenir lors de cette intersaison ne marquent-ils pas la fin d'un cycle
?
Non, je dirai plutôt que
c'est une évolution naturelle. Lorsqu'un joueur arrête à 37 ans ou que des
jeunes du centre de formation sont intégrés à l'effectif professionnel, c'est
dans l'ordre des choses. Si on analyse l'effectif actuel et les contours de
celui de la saison prochaine, il y aura les trois gardiens actuels, la même
défense, les titulaires indiscutables du milieu de terrain et Meslin devant. Les
principaux changements s'effectueront au niveau du banc de touche avec notamment
l'incorporation des jeunes qui apporteront encore un peu plus de fraîcheur dans
le vestiaire.
Quels sont vos
critères de recrutement et quelles qualités demandez-vous aux joueurs pour
rejoindre le groupe rouge et noir ?
Il y en a deux principalement. Mouiller le maillot... C'est-à-dire avoir le même esprit combatif que celui démontré par l'équipe chaque semaine depuis deux saisons. Et être collectif... C'est-à-dire faire passer sa personne après le collectif. Après, si l'on remplit ces critères, la porte est ouverte pour tout le monde.
L'arrivée planifiée du Russe Bolshakov et les recherches de Roger Ricort sur des jeunes joueurs démontrent-elles la mise en place d'une politique à deux échelles ?
Roger observe tous les joueurs qui ont le profil pour nous rejoindre. Nous
fondons à moyen terme beaucoup d'espérance sur la réussite de la formation.
L'exemple du jeune Russe illustre la nécessité de ce travail. Quand on voit
qu'il est capable
d'évoluer avec des pros à 16 ans et demi, nous pouvons en déduire qu'à 18 ou 20,
il a toutes les chances de postuler à une place de titulaire. Roger profite de
ses
connections pour étudier toutes les pistes possibles et notamment celles nous
menant aux pays de l'Est. D'ailleurs, ils rentrent parfaitement dans nos
critères : jeune, déjà formé, discipliné et déterminé.
En deux ans, peut-on dire que l'OGC Nice a changé de statut et que vous avez
désormais de nouvelles perspectives sur le marché des transferts ?
Malheureusement, il n'y aura pas de révolution à ce niveau-là avec le stade
actuel. L'enveloppe du recrutement dépend évidemment de nos moyens. Nous ferons
encore partie l'an prochain des plus petits budgets du championnat, mais nous ne
perdons pas espoir pour autant. Le club essaie par tous les moyens de gommer ces
désavantages matériels. Réseaux, détection, observation permettent de compenser
ces manques. Mais, c'est encore notre handicap. Chaque saison, nous montons une
marche. Comme il paraît que la troisième est statistiquement la plus difficile à
gravir, nous serons une nouvelle fois satisfaits d'y arriver dès le mois de
février... Comme pour les deux premières.
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