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dans le camp des supporters
L'écharpe rouge et noire m'a donné le droit de partager la soirée marseillaise
des supporters du Gym dans leur tribune, injures et projectiles compris
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Match à haut risque », dans la bouche d'un supporter rompu aux déplacements les
plus hasardeux, l'avertissement prend tout son sens. Mais la mise en garde
révèle aussi tout l'intérêt de suivre les troupes niçoises dans « l'adversité »,
sur les terres marseillaises.
Et les derniers affrontements lors de la rencontre avec le PSG ont rappelé que
tout pouvait basculer très vite.
Je suis donc entré, le temps d'un déplacement, dans la peau d'un membre du Club
des supporters. Jean-Marie Gasparini, le président de ce groupe a joué le jeu
très sportivement, sans a priori et sans rien dissimuler.
Equipé de la fameuse écharpe rouge et noire, j'ai donc pris l'un des dix-huit
bus spécialement affrétés, histoire de suivre, pas à pas, le millier de Niçois
qui avaient rendez-vous au Vélodrome.
Départ à 14 heures
La petite armada de quatre bus du club des supporters s'ébroue et il est temps
de partir car un premier rendez-vous est prévu sur l'aire de Peypin.
A bord, l'ambiance est particulièrement calme. Sans les oriflammes en rouge et
noir, on pourrait croire qu'il s'agit d'un groupe de touristes en goguette. A
l'intérieur on parle foot évidemment, mais pas plus que dans certains bars ou
salons de coiffure.
Pas de manifestation, pas de cri, pas de chant, pas de bouteille. Un seul
frémissement viendra interrompre le trajet pour demander un arrêt minute.
Tous à Peypin à 16 h 30
Le bus commence à gronder gentiment à l'arrivée obligatoire sur l'aire de Peypin.
Le déploiement policiers-gendarmes-CRS est déjà impressionnant. Après les « Hou
! ! ! ! » folkloriques quelqu'un rectifie : « Heureusement qu'ils sont là ! ».
Le convoi se forme alors en alternance : un bus de supporter et un fourgon de
CRS. Tout le trajet est sécurisé, encadré par des motards, avec des barrages de
policiers aux carrefours à la sortie de l'autoroute.
Le poids du dispositif « renforcé » met en condition. La tension monte à
l'approche du stade comme si l'on entrait en territoire ennemi.
17 h 30 : arrivée à Chanot
Les bus niçois rejoignent un « no man's land » sécurisé : une aile du parc
Chanot toute proche du Vélodrome. Pas d'autre choix que d'entrer dans un hangar
pour passer la fouille corporelle. Décor tout gris. Ambiance carcérale. « Comme
des bêtes ! », lance un supporter. Après une palpation approfondie il faut
encore attendre derrière un sas qui s'ouvre directement sur le stade.
18 h 15 : arrivée à la tribune
Partout des barrières, le lieu est clos, très gardé, et donne directement accès
à la tribune Ganay. Ce sera la zone « protégée » réservée aux mille Niçois
Le haut de la tribune est interdit, pour éviter les projectiles. Mais personne
n'y croit. D'ailleurs les tirs seront immédiatement déclenchés par les
Marseillais depuis les « populaires » proches. Une bande d'une vingtaine
d'énergumènes déclenche le bombardement.
Pierres de bonne taille, morceaux de carreau, billes, grosses piles, plaques de
métal, paire de ciseaux passent au-dessus du filet de protection. Parmi les
projectiles certains ont même vu des canifs, lames ouvertes.
Les Niçois encaissent. Ils ramassent, mettent dans la poche ou parfois excédés
relancent.
Ce n'est qu'au bout d'une heure de salves, qu'un cordon de policiers finira par
faire reculer les « grenadiers » marseillais.
Sur les gradins niçois, tout le monde est tendu. D'ailleurs les tirs finiront
par faire trois blessés légers heureusement. Un stadier marseillais sera
également atteint lors d'un échange de projectile.
Le mistral glace les os et le début du match est encore loin. Mais les
supporters ont déjà formé les rangs. Les plus engagés sont au contact et les
placides ont investi le haut de la tribune. Logiquement la pyramide des âges est
respectée.
Un supporter haut comme trois pommes m'a repéré à la buvette : « Et toi, tu es
Club des supporters ou BSN ? ». Mais je crois que ma réponse ne l'a pas
convaincu.
J'admire son jeune courage. Car pour accepter de rester embastillé pendant
pratiquement six heures dans un tel enclos aux quatre vents et sous les tirs
tendus, il faut vraiment une passion puissante.
23 heures : fin du match
Les Niçois ont encaissé assez sportivement la défaite de mardi soir. Au coup de
sifflet, juste avant 23 heures, le calme régnait lorsque les CRS ont posément
bloqué l'unique sortie réservée aux Niçois. Il fallait attendre que le stade se
vide.
Une heure plus tard, les bus ont pu repartir, toujours sous escorte et en
suivant un itinéraire très surveillé. D'ailleurs quelques groupes, quelques
voitures, bien encadrées, attendaient. Mais tout était sous contrôle, même les
ponts jusqu'au péage.
Après cette barrière, les bus étaient lâchés. Et à ce moment-là, une pointe
d'inquiétude a surgi. Et la consigne est tombée : « S'il se passe... »
Mais le bus numéro 4 est arrivé à bon port, à 2 h 30 sur la place Saint-Roch. Il
a bercé doucement ses passagers qui n'ont cessé d'évoquer d'autres nuits et
d'autres matchs.
Rémy DONCARLI.