Le stade du Ray entre deux démolitions
Alors que le "vieux Ray" ne sera
bientôt plus utilisable, le "nouveau Ray" vient peut-être de s'écrouler
prématurément sous le coup d'une vaste affaire de corruption. N'ayant même pas
opté pour un stade d'accueil provisoire, l'OGC Nice ne sait plus où vont se
poser ses Aiglons…
La mairie vient de désigner le projet lauréat du "nouveau Ray", construit sur
l'emplacement de l'actuel, après un long feuilleton durant lequel l'hypothèse
d'un déplacement sur le site du Stade Charles-Ehrmann (1) — dans une zone où la
"pression immobilière" est moins forte — avait été finalement abandonnée début
2002 à la grande satisfaction des supporters. C'est l'architecte Bruno Gaudin
qui a été retenu, déjà auteur du très réussi Charléty à Paris et de
l'agrandissement du Stade de la route de Lorient à Rennes. Le projet s'élèverait
à près de 100M€, prévoit 32.000 places pour janvier 2006 et a séduit le fumeux
Jacques Peyrat pour son "style de chaudron".
Une délocalisation problématique
Comme la Ligue ne veut pas reconduire une dérogation précédemment obtenue contre
la promesse d'une mise aux normes, il faut trouver le stade où l'OGCN évoluera
quand les travaux auront commencé. Deux solutions sérieuses se présentent pour
cet exil de deux saisons, mais posent des problèmes de voisinage: la Stade
Coubertin à Cannes-La Bocca (moyennant quelques aménagements réglementaires) et
Louis II à Monaco.
L'option cannoise n'a pas les faveurs des supporters niçois qui préféreraient le
trajet plus court et plus pratique (en train) vers Monaco, et par ailleurs moins
porteur de rivalités régionales. Jean-Louis Campora y est favorable, mais le
Palais n'a pas encore tranché, car en Principauté, les supporters ont fait
connaître leur opposition (comme quoi, on peut former un lobby à trente sur le
Rocher) et d'autres voix s'élèvent contre les éventuels troubles à l'ordre
public monégasque. En outre, l'état du terrain n'incite pas à lui faire subir le
double de sollicitations. Selon Nice-Matin, (25/02), l'idée d'une pelouse
semi-synthétique est défendue par les dirigeants niçois, mais elle doit encore
être… homologuée.
.
Dans tous les cas, le club peut s'inquiéter, car la fréquentation n'est déjà pas
très élevée au cœur de la ville, alors que l'équipe réalise une saison assez
extraordinaire pour un miraculé. Les clubs de supporters supportent mal l'idée
de passer deux saisons entières "à l'extérieur", et regrettent qu'un stade de
moindre capacité n'ait pas été retenu, car il aurait permis une rénovation par
tranches et donc une utilisation partielle. Nice-Matin relate par ailleurs que
les associations, qui devront vraisemblablement se résigner, souhaitent être
partie prenante du projet et être consultées, notamment sur les questions de
sécurité. Cela pourrait constituer une expérience intéressante, tant la
"position" des spectateurs est peu prise en compte dans la conception de
certaines enceintes sportives.
Eaux troubles et francs-maçons
Toutes ces interrogations pourraient cependant passer rapidement au second plan.
Les mises en examen se sont en effet multipliées à la fin du mois dernier, dans
le cadre d'une information judiciaire ouverte à l'automne 2002 sur cet appel
d'offres. Michel Vialatte, secrétaire général de la Mairie de Nice, a été mis en
examen et écroué pour trafic d'influence, corruption et favoritisme. Bernard
Orengo, adjoint au sport et ancien commissaire central de la ville a été mis en
examen et assigné à résidence. Un autre fonctionnaire (René Daolio, contrôleur
des travaux au service du nettoiement) et deux chefs d'entreprise sont eux aussi
sous les verrous, dont Pierre Besrest, décrit par Le Point (28/03), comme "l'as
des marchés publics de l'Essonne", pour lesquels il a déjà été condamné dans les
années 90.
Le système frauduleux consistait à écarter les offres indésirables et des
enveloppes à deux tarifs (45.000 et 76.000€) ont circulé, a indiqué le procureur
Eric de Montgolfier. La figure de l'affaire VA-OM a également déclaré que "les
membres de ce groupe, liés par l'amitié et la franc-maçonnerie, avaient passé un
véritable pacte de corruption et dressé un organigramme de fraude portant sur
plusieurs marchés publics à venir", précisant par ailleurs qu'aucun élément ne
mettait aujourd'hui en cause le sénateur-maire lui-même (sources : Reuters et AP
21/03, Le Monde 29/03). Lequel Jacques Peyrat a maintenu et soutenu son adjoint
au sport (un proche de Charles Pasqua selon Le Point, dont l'état de santé
justifie le seul maintien en résidence surveillée), tout en suspendant les trois
autres fonctionnaires impliqués et en se portant partie civile.
Quoi qu'il en ressorte, la construction du stade risque fort d'être gelée, comme
d'autres grands projets de la ville qui suscitent désormais les suspicions
(nouvelle mairie, tramway). Le nouveau Ray a ainsi été retiré de l'ordre du jour
du conseil municipal du 1er avril, et le préfet des Alpes-Maritimes a porté
devant le tribunal administratif un recours en annulation et en suspension d'une
partie du marché public. Sans qu'il n'y puisse grand chose, l'OGC Nice va donc
être de nouveau mis en péril par de regrettables aléas, comme s'il lui était
interdit de quitter la plus grande précarité…
(1) Évoquée par l'ancienne direction italienne, son homologation aurait été
beaucoup trop coûteuse pour une solution transitoire.
Jamel Attal - mercredi 2 avril 2003 les cahiers du football