L'interview fleuve de Laslandes
Extrait
En provenance de Saint-Seurin (D2), tu as découvert le haut niveau à 21 ans avec Auxerre. Que t'a apporté Guy Roux dans ta progression ?
Au fil de ta carrière, tu as côtoyé ce qui se faisait de mieux comme attaquants en France (Cocard, Vahirua, Wiltord, Papin, ...). Lequel t'a le plus marqué ?
Quand j'ai débuté, j'étais impressionné par Cocard et Vahirua. Dans notre système, ils étaient utilisés de façon stéréotypée puisque leur rôle se cantonnait à devoir déborder et centrer, mais c'était des machines. Ils passaient quasiment à chaque fois. Ensuite, au niveau de la complémentarité, du plaisir et des résultats, je citerai sans hésiter Sylvain Wiltord. On a vécu de grands moments à Bordeaux, notamment l'année du titre. Enfin, Jean-Pierre Papin... On a joué seulement six mois ensemble, mais je pense avoir pas mal appris à ses côtés aux entraînements. Même s'il « déconne » tout le temps, ses conseils m'ont beaucoup apporté. Et puis, juste le fait de l'observer m'aidait à progresser. En match, tous les adversaires focalisaient sur lui, ce qui me permettait d'avoir plus de liberté. Si on ajoute à cette liste Pauleta, on peut dire que j'ai eu la chance de côtoyer des grands attaquants aux styles très différents.
En évoluant la majeure partie de ta carrière à Auxerre et Bordeaux, tu as été habitué au football d'attaque. Comment vis-tu le système niçois ?
Bien, dans la mesure où dans toutes ces équipes, j'ai toujours travaillé pour les autres. Mon rôle aujourd'hui n'est pas très différent. J'ai un esprit collectif, donc cela ne me gêne pas. Et puis, je ne pense pas qu'il nous manque grand-chose pour franchir un palier au niveau du jeu. On a pu le voir face à Lens. Quand on ose et qu'on se lâche, on peut... Après, il y a le contreexemple du match face à Marseille où l'on n'a pas mis la pression qui aurait amené le public à se (et à nous) transcender. Il ne faut pas inverser les rôles, c'est à nous d'amener les supporters à s'enflammer, et pas l'inverse.
Ton association avec Meslin est un peu particulière tactiquement puisque que contrairement à la logique qui voudrait que tu évolues en attaquant de fixation, c'est toi qui tournes autour de Christophe. Peux-tu nous expliquer exactement le rôle qui t'est demandé par Gernot Rohr ?
Les rôles se sont répartis en fonction de
nos qualités.
Comme j'ai plus d'aptitudes à revenir que lui et que Poussin va plus vite
que moi, les choses se sont dessinées naturellement. En plus, il est bon dans la
finition et aime bien traîner à la limite du hors-jeu. On se sent de mieux en
mieux dans le jeu et à force d'enchaîner les matches ensemble, les automatismes
viennent rapidement. Il sait par exemple que j'aime jouer en une touche et il
adapte donc ses appels. C'est ce que nous demande le coach, même s'il nous
laisse aussi la liberté de nous adapter aux
circonstances du match.
Que cela fait-il pour un attaquant d'être
souvent présenté comme le premier défenseur de l'équipe ?
Pas
grand-chose, à partir du moment où cela fait partie de mon état d'esprit. Je
réfléchis en terme de collectif avant tout. Sortir d'un match comme celui face à
Marseille est frustrant, mais on se dit qu'il faut remettre le couvert à la
prochaine sortie. Cela m'est arrivé de passer plusieurs rencontres sans
marquer ou me créer d'occasions, mais je sais qu'un jour je vais donner la
victoire, et là tout est oublié...
À l'image de l'implication de Léonard dans
la venue de Simone, tu es intervenu pour faciliter l'approche avec Laurent
Batlles lors du mercato. Une telle implication de la part des joueurs est assez
rare dans le football moderne...
En fait, comme je l'avais côtoyé à Bordeaux et Bastia, les dirigeants m'ont
naturellement demandé ce que je pensais du joueur et de l'homme. Je les ai donc
renseignés en leur disant que c'était quelqu'un de charmant dans la vie et qu'il
possédait la rage de vaincre qui correspondait à notre groupe. Après, ses
qualités de footballeur, ils les connaissaient. Et sans dénigrer personne au
sein de notre effectif, je pense qu'il aurait pu nous apporter une touche en
plus.
Quels ont été tes arguments pour
convaincre l'ancien Bastiais de te rejoindre sur la Côte d'Azur ?
Je lui ai parlé de l'ambiance dans le groupe et au stade. Je lui ai dit que la
ville était sympa et cela collait bien puisqu'il voulait rester au soleil. Je
lui également fait part des limites du budget du club, mais il m'a confié qu'il
était prêt à tout. Ensuite, je ne suis plus intervenu et les dirigeants ont pris
le relais.
Peut-on dire que toute personne qui revêt les couleurs rouge et noire se sent
investi d'une mission pour aider le club...
Quand je suis arrivé, c'est un sentiment que j'ai tout de suite ressenti. Le club se restructure depuis le bas, et le groupe est à cette image. Chacun essaye donc d'apporter sa pierre à l'édifice. On mouille le maillot et les gens le sentent. De notre côté, on perçoit que toute la ville est mobilisée, et le soutien de tout le stade lors des matches est important. Ce qui se passe au Ray est rare, habituellement il n'y a qu'un kop qui soutient l'équipe ; à Nice, c'est tout un stade.
L'OGC Nice dans son ensemble respire la bonne humeur et la joie de vivre. A quoi attribues-tu cette ambiance ?
Je pense
que ce que vous avez vécu lors de la montée y est pour beaucoup. Depuis, j'ai la
sensation que cette ambiance est cultivée à tous les niveaux. On le ressent au
sein du club, mais aussi avec tout ce qui gravite autour : supporters, médias,
... . Dans le groupe, il y a une osmose entre les anciens et les autres. Une
forme de respect qui est devenue très rare dans le football actuel. De nos
jours, les jeunes veulent tout casser et partir à l'étranger. Ici, c'est
différent. Tout le monde est à l'écoute. Le coach essaye de faire profiter de
son vécu de joueur. Je me souviens d'ailleurs que dans ses grandes heures à
Bordeaux, j'allais au Parc Lescure. L'ambiance est primordiale parce qu'elle est
le ciment d'un groupe. Il ne faut pas se tromper, c'est en grande partie grâce à
cette cohésion que nous obtenons ces résultats. On peut voir comment vit un
groupe au comportement de l'équipe sur le terrain. Et si l'on parvient à
cultiver cela dans le temps, de plus de plus de joueurs voudront venir voir
aussi ce qui se passe ici. Vous savez, ça s'ébruite de plus en plus...
Qu'est-ce qu'il y a de différent au Gym ?
Cette
solidarité entre tout le monde, des bureaux au terrain. On sent que les gens
sont heureux de venir travailler. Nous, au sein du groupe, c'est la même chose.
Chaque semaine, quelqu'un paye un coup pour fêter un événement
(naissance,anniversaire, ...) ou on s'invite au resto, il y a vraiment une super
ambiance. Et pour avoir connu la solitude à Sunderland et à Cologne, je me dis
que je ne veux plus sortir de là. Quoi de plus beau que de s'épanouir
humainement dans le travail.
En débarquant, t'attendais-tu à une telle
effervescence autour du foot dans la ville ?
Gernot
m'en avait parlé. Et puis à travers la médiatisation autour de l'OGC Nice la
saison dernière, je m'étais rendu compte que le club renaissait et qu'il y avait
un réel engouement populaire. Comme il n'y a pas beaucoup d'argent, c'est le
plaisir qui prime et tous les gens qui sont là savent qu'ils ont pour mission de
faire grandir le club.
Dans ton cas, qu'est-ce qui t'a convaincu
de venir à Nice l'été dernier ?
Des
garçons comme José (Cobos), que j'avais rencontré en vacances, ou Éric (Roy),
ils m'ont décrit ce qu'ils vivaient et obligatoirement cela fait envie. Dans le
courant de la saison dernière, je suis venu faire du shopping à Nice et j'en ai
profité pour discuter avec Gernot Rohr. II m'a dit qu'il suivrait ma fin de
saison. De mon côté, je lui ai dit que j'étais prêt à renoncer à de l'argent
pour retrouver la joie de vivre. J'ai tout trouvé ici !
A 32 ans, comment vois-tu la suite de ta
carrière ?
À la fin de cette saison, il me restera une année de contrat à Nice plus la
possibilité d'une prolongation d'un an. Je me suis fixé deux ans, mais si
l'envie est là je continuerai. Sinon, je laisserai la place...
Et as-tu déjà pensé à l'après ?
Non, mais je sais dans mes pensées que je me consacrerai à ma famille. Ma
carrière m'a permis de mettre de l'argent de côté pour avoir la vie que je
souhaiterais après le foot. Mon objectif au niveau matériel est d'avoir des
pied-à-terre à Bordeaux, à Nice et à la montagne. Ensuite, je veux simplement
profiter de la vie avec les gens que j'aime. Même si je n'y ai pas réfléchi, je
pense que je m'impliquerai dans un club amateur vers Bordeaux. Mais une chose
est sûre, je sortirai du milieu du foot professionnel.
On te voit rarement dans les médias ou sur
le devant de la scène. Pour toi, garder un certain détachement du milieu du
football est-il important ?
Très important ! J'ai eu une mauvaise expérience de la presse. Depuis, je
préfère venir à l'entraînement, faire mon métier, puis sortir totalement de tout
ça et me consacrer à ma copine. Cela date du temps où j'évoluais à Bordeaux. On
n'avait jamais remis en cause mon mode de vie tant que les résultats sportifs
étaient bons. Durant cette période, j'ai acheté un bar-restaurant sur Bordeaux
et dès que cela a moins bien marché, les médias ont tout de suite fait le
parallèle entre mon style de vie et la baisse de mes performances. Moi, je
savais la vérité et je n'avais rien à me reprocher. Je menais exactement la même
vie que l'année du titre par exemple. Mais un jour, ma grand-mère m'a appelé en
pleurs en me demandant si c'était vrai tout ce qui était raconté sur moi dans
les journaux. Cela m'a profondément touché parce que même si j'étais assez fort
mentalement pour supporter le poids de ces attaques, je ne pouvais accepter que
cela touche mes proches. Depuis ce jour, je donne des interviews seulement quand
je sens le coup...
Justement tu sembles avoir toujours réussi
à faire la part des choses entre la fête et le foot. Mais à un moment de ta
carrière, ce côté bon vivant ne t'a-t-il pas causé des torts au-delà des médias
?
Lors de ma dernière année à Bordeaux oui. Je n'avais marqué que 4 buts et fait
6-7 passes décisives pour Pauleta, et les gens ont commencé à se dire que ce
qu'ils lisaient dans la presse était vrai. Les dirigeants sont venus me voir
pour me demander des comptes et je leur ai expliqué que mon attitude n'avait pas
changé depuis quatre ans. La seule différence était que j'avais fait l'effort de
jouer avec une hernie inguinale pendant cinq mois, alors que Feindouno et
Dugarry, par exemple, étaient restés sur le flanc plusieurs mois. Mais le coach
n'a jamais rien dit et mes coéquipiers le savaient. Je n'ai de compte à rendre à
personne, hormis à mes partenaires. J'ai toujours eu ce respect de mes camarades
de ne jamais faire d'écart la semaine. Après le week-end, on était une
demi-douzaine de l'équipe à sortir ensemble. Quand les résultats étaient moins
bons, les gens nous demandaient ce qu'on faisait là. Je leur retournais la
question et ils me disaient :« Nous, on décompresse de la semaine », je leur
expliquais que nous aussi, et là c'était des réflexions du genre : « Mais vous
vous gagnez tant de milliers de francs... » Est-ce que pour autant cela doit
nous empêcher de mener notre vie comme on l'entend ? Je leur répondais donc sans
aucun problème : « Cet argent, on nous le donne, on ne le vole pas ». Vous
savez, à partir du moment où l'on respecte les règles internes au groupe, cela
ne regarde personne. Lorsque l'on a été champion, on menait la même vie et le
fait de sortir ensemble aidait même à la cohésion du groupe. Pour en revenir à
mon cas personnel, c'est allé chercher encore plus loin. Il est arrivé à mon
père d'entendre dans les tribunes du Parc Lescure des spectateurs raconter
qu'ils m'avaient vu deux jours avant dans mon bar à moitié ivre en train de
servir des verres à une heure du matin, alors que j'avais passé la soirée chez
lui. Mais je n'ai pas à me justifier sur tout ça, la seule chose que je peux
vous dire c'est que si ça convenait à Guy Roux, cela doit pouvoir aller avec les
autres. Et je peux vous confier qu'il s'en est passé des choses certains soirs à
Auxerre, surtout l'année du doublé en 1996. D'ailleurs quand je suis parti à
Bordeaux, le coach m'a dit, « maintenant que tu pars, tu peux me raconter ce qui
c'était passé à telle ou telle occasion ». Mais même aujourd'hui, Guy Roux ne le
sait toujours pas... (rires)
Finalement, le principal pour un joueur
n'est-il pas de savoir se gérer ?
C'est tout
à fait ça ! On est des hommes comme les autres, on ne doit donc pas s'empêcher
de faire des choses tant que l'on respecte son employeur et le travail que l'on
fait. Quand j'étais encore footballeur amateur, j'ai travaillé trois ans à la
chaîne et je faisais mon boulot ; puis une fois terminé, je menais ma vie comme
je l'entendais. C'est un principe de vie.
L'année où tu as signé à Bordeaux, après
le doublé avec Auxerre, tu as goûté aux joies de la sélection nationale. Quels
souvenirs gardes-tu de cette période ?
Dans ma
tête, dès que j'ai été appelé, je me suis dit que c'était simplement pour des
remplacements parce qu'il y avait des joueurs, comme Trezeguet ou Henry, bien
plus forts que moi. J'étais donc intérimaire, mais fier de représenter mon pays.
Je me suis fixé pour objectif de marquer le plus de buts possible et j'ai réussi
à en mettre trois en sept sélections. Sur le terrain, tout s'est donc bien
passé, mais je ne garde pas de grands souvenirs de la vie de groupe. Je suis
arrivé après la Coupe du Monde 1998 et je sentais qu'il y avait déjà
des affinités... Comme je n'étais pas d'accord avec tout, j'ai préféré ne pas
m'immiscer dans leurs trucs et je suis donc resté dans mon coin.
À ton époque bourguignonne, tu avais noué
des liens avec Gérard Depardieu qui suivait régulièrement l'AJA. À quand Cyrano
au stade du Ray ?
C'est vrai que quand on a fait le doublé, il était souvent avec nous. C'était un
ami de Gérard Bourgoin, notre président. Il faisait chaque déplacement et l'on
rigolait bien. Il est même arrivé deux, trois fois qu'il vienne bien « chaud »
dans les vestiaires avant un match... (rires) J'en garde un très bon souvenir
parce que c'est quelqu'un de simple, de naturel et d'attachant.
Avant de finir, il paraît que tu as été un
téléspectateur particulièrement attentif du dernier Bachelor. Peux-tu nous en
dire plus ?
Bien sûr,
je n'ai rien à cacher. La seule chose qui m'a gêné, c'est que Candice dise que
nous étions restés ensemble 4 ans, alors que notre histoire n'a en réalité duré
que 8 mois. Sinon, j'ai été prévenu qu'elle allait participer à cette émission,
mais il n'y a rien eu de méchant. J'en profite pour vous avouer que j'ai enfin
trouvé la femme de ma vie et que nous nous marions cet été.
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