KABA : " Je ne dois pas être trop mauvais"
Comment voyez-vous le rendez-vous avec Paris, dans trois jours ?
C'est un match de gala. Si je peux marquer ou faire une belle passe, je ne vais
pas me gêner. Il faut que j'appelle les joueurs pour obtenir des places
supplémentaires. Ma famille va monter de Toulon, tout le monde veut voir ce
match. Pour moi, ce n'est pas une revanche, j'ai des bons potes en face : Domi,
Touré, Fiorèse ou Déhu... J'ai gardé des contacts avec eux, on s'appelle
souvent. C'est des mecs bien : quand j'étais en galère, ils m'appelaient pour me
soutenir.
Comment vivez-vous votre
réussite ?
Dans ma carrière, je suis passé par tous les états. Au début, à Bordeaux,
j'étais le petit jeune de la bande et ça marchait bien. On m'observait partout
où j'allais, je découvrais le milieu. Ensuite, il y a eu quatre saisons mortes.
Je passais de club en club, j'étais blessé, on ne me calculait plus... Ça me
sert aujourd'hui. Je remercie Nice et Gemot (Rohr, son entraîneur) qui m'ont
fait confiance à un moment où personne ne voulait de moi en France.
C'est-à-dire ?
Avant d'atterrir à Nice, j'ai
été proposé à Montpellier, Ajaccio ou encore Le Havre. Ces clubs m'ont pris de
haut. On me disait : « Ton genou ne va pas tenir, tu ne pourras pas faire une
saison complète. » Ils m'ont fait comprendre que je ne serai pas
au niveau. Je ne veux pas me moquer d'eux aujourd'hui, mais tout se paie dans la
vie. Quand je regarde leur situation et celle de Nice, je ne dirais pas que cela
me fait plaisir, mais bon...
Quelles relations
entretenez-vous avec Gernot Rohr, qui fut aussi votre formateur à Bordeaux ?
C'est particulier. Il m'a appris le métier, ce que devait être la vie d'un
professionnel. Je n'aimais pas trop être dirigé, c'était dur pour moi à
l'époque. Je suis arrivé tard là-bas, j'avais déjà 19 ans. J'avais beaucoup de
lacunes, il fallait que je me bouge. Il m'est rentré dedans, on s'est accroché
plusieurs fois. A présent, en pro, ça n'a plus rien à voir. Il est beaucoup plus
souple, je peux vraiment apprécier l'homme. Il me demande mon avis sur l'équipe,
on parle des choix tactiques, il me sollicite pour aider les jeunes. Un rôle
très neuf pour moi.
Il dit de vous :" Je veux en
faire le meilleur buteur du championnat. "
Je ne joue pas pour ça et je ne vais pas commencer à tirer dans n'importe quelle
position. Je préfère assurer un bonne passe décisive et le score de l'équipe.
Mais je suis à dix buts et j'en veux plus, c'est naturel. L'objectif individuel,
il est personnel. C'est un secret. Mais je n'en suis pas très loin.
Vous n'avez pas l'impression
d'avoir manqué quelque chose, en regardant d'anciens coéquipiers qui évoluent
chez les Bleus ?
Je ne suis pas jaloux, je suis fier pour eux. Moi, j'ai eu un parcours
différent. Je n'étais pas stable, c'est pour ça que j'en suis là aujourd'hui.
Quand je les vois, je me dis : « J'ai joué avec eux, je ne dois pas être trop
mauvais ! »
Comment expliquez-vous cette
réussite tardive, à 27 ans ?
Je fais gaffe à ce que je mange et très gaffe à mon corps. Les sorties, les
boîtes, les concerts, c'est fini. Je suis obligé de faire attention, j'ai payé
pour apprendre. Résultat : je n'ai pas manqué un match. Pourtant, notre style de
jeu n'est pas économique. Ma manière de voir le métier a beaucoup changé depuis
deux ou trois ans. Et comme on compte beaucoup sur moi ici, il ne faut pas que
je me grille. Je veux faire toute la saison et je garde tout mon jus pour le
foot.
Quelles sont vos règles de vie ?
Je crois au travail. Je suis musulman, je fais mes prières, je reste droit avec
ma religion. Je fais attention à ce que je fais et ce que je dis, car les
musulmans n'ont pas forcément une bonne image en ce moment. Il ne faut pas
confondre islam et intégristes. Eux, ils fonctionnent comme une secte. A Toulon,
j'ai grandi avec des juifs et des catholiques, je n'ai jamais eu de problèmes.
Ma mère n'a pas de grillage sur la tête, mes sœurs ne sont pas enfermées à la
maison. Et puis l'islam est parfaitement compatible avec l'hygiène d'un joueur
pro. Ne pas boire d'alcool, ça ne peut pas faire de mal à un footballeur.
Qu 'est-ce qui fait vraiment la
force de ce groupe niçois ?
On ne se permet pas d'arriver en retard parce qu'on est premiers, par exemple. Noé (Pamarot) veille avec ses grosses cuisses... Il gère les amendes (1,5€. la minute de retard) et tient bien la caisse. Un autre truc m'impressionne : parfois lors des mises au vert, on est presque vingt à table et tout le monde parle de la même chose. On s'apostrophe tous en même temps, il y a vraiment du bruit. C'est un truc de malades, ici. Je n'ai jamais vu ça ailleurs. Et pourtant, j'en ai fait des clubs !
Il vous arrive quand même de parler du titre...
Si on continue comme ça, on ne sera pas loin des premiers. Je ne veux pas en
parler trop tôt, la fin de saison sera très dure. Arrivons, vite fait, à 42
points pour assurer le maintien (les Niçois en comptent 38). Quand on y sera, le
coach a prévu une petite fête avec du Champagne, moi je serai au Coca et au
Champomy. Puis on se réunira sérieusement pour parler de la suite. On verra ce
qu'on a dans le ventre pour aller chercher quelque chose. Moi, je n'arrête pas
d'en parler depuis un moment, on doit faire un truc cette année !
Que ferez-vous en fin de saison ?
Il me reste un an de contrat. On en parlera en juin avec le PSG. Je n'ai jamais
eu de contrat long dans un club qui me ferait confiance. Pour une fois, j'espère
que je prendrai la bonne décision. Je ne veux plus me tromper.
Extrait du JDD du 19/01/03