Crises de Nice

L'Equipe

 

 

L'OGC NICE, qui a assuré son maintien, en a fini avec le Championnat, mais pas avec ses vieux démons. La guérilla entre actionnaires reprend de plus belle, faisant peser sur le club azuréen le spectre d'une nouvelle crise, susceptible de lui porter un coup fatal. Les symptômes d'un club en déliquescence se multiplient : effrayés par l'ambiance qui règne à l'OGCN, plusieurs joueurs pressentis pour renforcer l'effectif se sont ravisés, et deux sponsors (Rica Lewis et Gorenje) viennent de décider d'arrêter les frais.

Dernier rebondissement en date : Franck Guidicelli, actionnaire du club à 27 %, a décidé, comme il le révèle dans l'entretien qu'il a accordé à L'Équipe Magazine, de déposer une nouvelle plainte visant implicitement la direction, cette fois en se constituant partie civile, afin d'obtenir la désignation d'un juge d'instruction. Bronzage impeccable, sourire éclatant, visage poupin, Franck Guidicelli est l'homme par qui le scandale arrive. Décidé à prendre le pouvoir, le jeune homme (32 ans) a multiplié ces derniers mois les déclarations tapageuses, dénonçant des malversations supposées du président du club, Maurice Cohen. Mais, comme dans un énième remake de l'arroseur arrosé, faute d'être étayées, ses accusations menacent désormais de lui revenir comme un boomerang... Et pourtant, en mai 2002, c'est comme sauveur que Franck Guidicelli, qui venait de récupérer une petite fortune en cédant le casino de Besançon au groupe Accor, vola au secours de 1'000N, moyennant 1,8 million d'euros. Nice, au bord du dépôt de bilan, venait de traverser une zone de turbulences, après avoir été cédé, en février 2002, à des « Marseillais pour le moins controversés : Jean-Christophe Cano (ex-coordinateur sportif de l'OM), mais surtout Robert Cassone et François Mouret, dont les pères sont des figures notoires du milieu. Craignant une opération de blanchiment, le procureur de Nice, Éric de Montgolfier, avait ouvert une enquête, provoquant quelques semaines plus tard le départ du trio. Pour reprendre le club, Guidicelli, un Corse installé depuis des années dans l'est de la France, trouve des partenaires niçois, dont Marcel Governatori (31 %), un notable fortuné, et Gilbert Stellardo (31 %), alors premier adjoint au maire (UMP) de Nice, Jacques Peyrat. Stellardo est depuis entré en dissidence, à tel point qu'il passe désormais pour le pire ennemi du maire. Quoique détenteur de seulement 3,5 des parts, Maurice Cohen,l'homme de Stellardo, est propulsé président. Guidicelli se contente de 27 %.

Rapidement, entre Cohen et Guidicelli, nommé vice-président, les rapports se dégradent. Guidicelli, qui a le sentiment d'être mis sur la touche,s'éloigne de la gestion du club. À l'issue de la saison 2005-2006, pourtant réussie (l'OGCN finit 81 en Ll et dispute la finale de la Coupe de la Ligue), Guidicelli refait surface, alerté, dit-il, par des rumeurs alarmantes sur les finances du club et certaines opérations financières suspectes. Il se rapproche de l'association OGC Nice, dont les rapports avec la direction sont exécrables. Or c'est l'association, en charge du secteur arnateurs, qui détient le numéro d'affiliation auprès de la FFF nécessaire à l'inscription du club en Ll. Pour ne rien arranger, la saison 2006-2007 part sur des bases catastrophiques. Nice s'enfonce dans les profondeurs du classement. Intervient alors l'épisode tragi-comique de janvier dernier. Habile. Guidicelli parvient à « retourner » Governatori, et réussit un putsch, qui va durer... cinq jours. Le 24 janvier, Maurice Cohen, à la suite de la défaite à domicile contre Toulouse (0-1), annonce, la mine déconfite, qu'il cède sa place à G uidicelli. Mais, le 29 janvier, à l'issue d'un méritoire nul (1-1) à Lyon,il annonce, à la surprise générale, qu'il reprend les rênes du club. Governatori a de nouveau changé d'avis. Ce dernier n'est guère loquace sur le sujet, se contentant d'avouer « un pacte avec M. Stellardo ». Sur les raisons de sa volte-face, il lâche simplement que « Guidicelli est mal entouré ». Jean-Marie Tarragoni, un opposant notoire au maire (il dirige le Standard, un brûlot anti-Peyrat financé par Stellardo) fait moins dans la langue de bois :« Governatori a été vexé que Stellardo refuse d'embaucher au club un ancien policier de ses amis, et ils se sont disputés. Guidicelli en a profité pour le retourner, mais Governatori a très vite compris le manège de Guidicelli, qui veut mettre la main sur le club. »

En tout cas, depuis cet épisode rocambolesque, Guidicelli n'a plus mis les pieds à l'OGCN. Il lance de graves accusations contre Cohen, allant jusqu'à déposer plainte le 26 avril pour « escroquerie et abus de confiance » et réclamer un audit. La presse embraye, le présentant comme un chevalier blanc. Las, le parquet se montre beaucoup moins enthousiaste, se contentant d'ordonner une simple enquête préliminaire (Guidicelli sera d'ailleurs interrogé par les gendarmes mardi prochain). « Je n'ai aucune envie de me prêter à une manipulation en ouvrant une information judiciaire alors que je n'ai aucune preuve de malversations », assène le procureur, Éric de Montgolfier. De fait, les accusations de Guidicelli, qui visent essentiellement deux transferts de joueurs, butent sur un obstacle majeur: le manque de preuves. La circonspection dont fait preuve le magistrat sur ce dossier a une autre cause. L'air grave, il lâche : « Ma préoccupation est qu'on ne réintroduise pas au club des gens proches du grand banditisme. C'est déjà arrivé une fois, cela suffit », ajoute le procureur, faisant allusion à l'enquête qu'il avait ouverte en 2002.

D'accusateur, Guidicelli pourrait se retrouver en position d'accusé, à la grande satisfaction de Cohen et Stellardo, ulcérés que Guidicelli se pose en « Monsieur Propre ».

Ils font observer que l'incontournable ami de Guidicelli, Antoine Savelli,par ailleurs protagoniste de l'affaire Pettinato (1), n'est pas inconnu de la justice niçoise, qui l'a condamné l'an dernier pour « recel d'abus de confiance ». L'entourage de Guidicelli suscite de fait beaucoup d'interrogations. Certains de ses proches seraient liés au milieu corse. Lui-même ne serait qu'un prête-nom, dissimulant d'autres intérêts. Où l'on reparle du trio Cassone-Mouret-Cano... À plusieurs reprises, ces derniers mois, Maurice Cohen, son avocat, Mz Philippe Soussi, et le président de la Ligue lui-même, Frédéric Miriez, ont fait part de leurs soupçons dans le bureau du procureur, qui précise : « M. Thiriez m'a notamment dit être très attentif à ce que M. Cassone ne reprenne pas le pouvoir », confirme Eric de Montgolfier. Resté jusqu'ici sur la réserve, tout au moins publiquement, Maurice Cohen prépare une riposte d'envergure. « M. Guidicelli a dépassé les bornes, tonne-t-il. Ses déclarations nuisent gravement à l'OGC Nice. Il va subir les conséquences de ses déclarations. Le club lui réclamera bientôt des dommages et intérêts conséquents. »

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