Les maxi-profits de
Bordeaux
Extrait
L'Equipe
Photo girondins.com
Bordeaux
est plus que jamais le dauphin de Lyon mais il est déjà le champion du France
incontesté du réalisme. Il est sans égal en France dans l’art de faire le
maximum avec le minimum. Hier, onze secondes de jeu et quatre passes ont suffi
aux Bordelais pour terrasser Nice et remporter sa victoire la plus importante de
la saison. À six journées de la fin et avec un match en moins (à Sochaux),
Bordeaux compte désormais sept points d’avance sur Lille, le troisième, et neuf
sur Auxerre, le quatrième. Il faudrait donc une succession de catastrophes pour
empêcher l’équipe possédant la défense la plus hermétique du pays (16 buts
encaissés en 32 journées) de disputer, au moins, le tour préliminaire de la
Ligue des champions la saison prochaine.
Pour réaliser ce grand pas en avant vers un destin tout tracé, Bordeaux a eu
besoin de deux tirs cadrés dont un dès l’engagement de cette rencontre disputée
par une température printanière. Coup d’envoi donné par Denilson à Darcheville.
Mavuba hérite du ballon et le transmet à Jemmali, qui décoche une longue passe
au cœur de la défense niçoise. Profitant d’une grossière erreur de Sammy Traoré,
Denilson redevient alors un artiste brésilien pour inscrire le deuxième but le
plus rapide de l’histoire de la première division. Et puis rideau ou presque…
Pendant tout le reste de la rencontre, Hugo Lloris, pour sa deuxième
titularisation en L 1, faillit s’endormir sur ses deux oreilles. Une frappe de
Denilson au-dessus (25e), un coup franc détourné du bout du gant (40e), un plat
du pied gauche de Mavuba trop enlevé (63e), un raid de Perea ponctué par un tir
trop croisé (90e + 1), voilà le bilan des actions bordelaises durant cette
rencontre paradoxale, qui a confirmé la lassitude physique de Bordeaux mais l’a
projeté sur une voie royale. Comme simultanément, sous les yeux de Bruno
Martini, l’adjoint de Domenech en charge des gardiens, Ulrich Ramé a été le
joueur le mieux noté de la rencontre pour avoir accompli deux arrêts décisifs
(13e et 51e), on aura une idée plus précise de la tournure de cette rencontre. «
Quand on a un match pareil, on doit savoir ramener des points même si c’est le
deuxième du classement », déplora Frédéric Antonetti, l’entraîneur niçois.
Ramé : « Le jeu était
secondaire »
« Les Bordelais ne nous ont pas trop impressionnés mais ils ont pris les trois
points, ajouta Florent Balmont, c’est sans doute ça le réalisme des grandes
équipes qui arrivent au bout. » Au moment d’analyser le comportement de son
équipe, trop repliée en première période, un peu moins restrictive dans ses
intentions de jeu en seconde, Ricardo finit par hausser le ton. « C’est vrai, on
n’a pas vu un bon spectacle, admit, agacé mais lucide, l’entraîneur bordelais.
Mais nous payons l’accumulation des efforts consentis depuis quatre mois sur un
terrain difficile. Denilson est sorti avec des crampes et Chamakh a demandé à
être remplacé tellement il était fatigué. Il y a des situations où il faut être
intelligent et savoir gérer. » Jeudi matin, au lendemain de l’élimination face à
Montpellier, en 8es de finale de la Coupe de France (0-1), Ulrich Ramé avait
rappelé à l’ordre tout son groupe. « En ce moment, on ne fait qu’enfiler le
maillot, avait martelé le capitaine bordelais. Il faut retrouver une certaine
humilité et vite se remobiliser. » Hier soir, Ramé fut donc le premier à se
réjouir de la bonne réception de son message. Il s’empressa de rappeler que « le
jeu était secondaire » compte tenu de l’importance des enjeux et du contexte.
Les Bordelais connaissaient les résultats de leurs rivaux directs depuis la
veille. Et ils avaient pu mesurer tout le parti à en tirer. « L’essentiel,
confirma le portier girondin, c’était de franchir ce palier qui nous permette de
décrocher nos adversaires. » Au bout de son troisième match en huit jours – une
explication de la lassitude physique ressentie –, Bordeaux a fait mieux encore.
Il a repris deux points aux Lyonnais et se retrouve à neuf longueurs des
champions de France, à l’affût de la plus petite erreur de trajectoire. Mais
cette marge de manœuvre est surtout un confortable matelas de sérénité au moment
de se présenter à une série de rendez-vous épineux (Paris, Saint-Étienne, Lille,
Le Mans, Nantes et Bordeaux). « On aborde cette fin de saison sans penser aux
autres, souligna Ricardo, car ce n’est pas ce genre de stratégie qui va nous
conduire en Ligue des champions. » Bordeaux a assez de sang-froid pour se
débrouiller tout seul…