La chaleur du foyer
Extrait L'Est Républicain
La capitale azuréenne n'est pas démonstrative. Mais la ferveur est pourtant bien
réelle. Echouafni et les Niçois vont s'en gorger jusqu'au dernier moment.
Au nord, ce serait l'été avant l'heure. Pantacourts, torses à l'air et terrasses
bondées. A Nice, c'est une douce journée printanière, sans plus. L'autochtone
hésite même à ôter le blouson alors que le thermomètre affiche plus de 20
degrés. « Pour l'été, il faut encore attendre au moins trois semaines », lance
très sérieusement « Lolo », tenancier du bar la Virgule, à trois cent mètres du
Stade du Ray.
Accoudés au zinc, des
anciens commentent le but de Giuly entre deux anisades. Puis la finale surgit
évidement au détour du comptoir. La petite clique n'ira pas au Stade de France.
Mais tout le monde sera devant le petit écran. « Tu l'as, toi, France 3 ? »
assène, ironique, le patron, look pop-star et gros scorpion en or en guise de
pendentif. Rigolade. Et rasade.
Dehors, Nice, plus grande maison de retraite de France, s'ébroue tranquillement
au milieu du vacarme et de la poussière. Les grandes artères sont en travaux.
Chantier monumental. Et la finale alors ? Ben euh... Faut être devin ou
sacrément observateur pour déceler qu'un événement embrasera peut-être la
capitale azuréenne samedi soir. Rien du tout dans les vitrines. Pas un type
arborant le maillot rouge et noir. Juste un drapeau à l'effigie du GYM
pendouillant d'un balcon, rue Lairolle, en montant vers Cimiez.
Boutique dévalisée
La cité n'est pas démonstrative. Mais elle vibre en sourdine. A l'image du
Portugal, qui pleure dans le fado son lustre des conquêtes passées, Nice croise
les doigts en songeant à ce 22 avril qui pourrait lui redonner l'éclat de sa
splendeur. Celle des années 50, des quatre titres de champion de France, des
deux coupes de France, des quarts de finale de la Coupe des Champions...
Croisé au siège du club, Pancho Gonzalez, l'un des acteurs de cette décennie
dorée, témoigne du désir pudique du nostalgique « poblé de Nissart » (peuple de
Nice) de voir son équipe coiffer une nouvelle couronne. « Ce serait une
récompense pour toute la ville. Les Niçois seraient fiers. Cette finale peut
rallumer le flamme » confie le fidèle serviteur, arrivé d'Argentine en 1951 et
qui donne encore des coups de main au club à bientôt 79 ans, comme s'il voulait
passer le relais avant de tirer sa révérence.
L'engouement est discret mais bien réel. Un passage à la boutique du club, rue
Lépante, en atteste. « J'suis mort », lâche le vendeur, entre deux courses pour
réapprovisionner des rayons maigrelets. Le magasin officiel de l'OGCN a été
dévalisé. « Ça a commencé juste au lendemain de la demi-finale », glisse le
jeune marchand. Des clients repartent déçus. Il n'y a plus d'écharpes, plus de
drapeaux et le tee-shirt de la finale n'est plus disponible qu'en grande taille.
La méthode Antonetti
Si le badaud n'y voit que du feu, les joueurs sentent la ferveur monter depuis
des semaines. Au terme de l'entraînement du jour, à huis clos, tous s'étonnent
de ce soutien populaire grandissant. « On ne peut pas faire un pas sans qu'on
nous accoste pour nous encourager. En voiture, c'est pareil », dit ainsi Olivier
Echouafni, le môme de Menton. « On n'arrête pas de nous en parler », embraye
Cédric Varrault, le capitaine. Les Niçois se gorgent de cet amour.
A l'inverse de l'ASNL qui a gagné la capitale depuis mardi, l'OGCN a choisi de
préparer sa finale à la maison. Sans rien changer. La stratégie Antonetti. « Un
stage en début de saison, c'est bien, car il y a deux ou trois entraînements par
jour. Mais là, je ne saurais pas quoi faire en dehors des séances de travail.
Chacun sa méthode. Et si je perds cette finale, je referai pareil »,
explique-t-il, un brin excédé par une question qu'on a dû lui poser mille fois.
En début de saison, les joueurs ont demandé à leur entraîneur des mises au vert
la veille des matches. Mais cette fois, l'option retenue leur convient. «
Peut-être que le vainqueur sera celui qui aura su le mieux gérer le stress et la
pression. En faisant comme d'habitude, on espère rester les mêmes », glisse
encore Olivier Echouafni qui aura droit à ultime bain de foule ce matin.
L'entraînement est en effet ouvert au public. Dernière injection de ferveur
avant la montée vers Paris.