« Le titre est gagné »
Extrait L'Equipe
Vainqueur de Nice
(2-1), hier soir, à Gerland, l’Olympique Lyonnais sera peut-être champion de
France pour la cinquième fois dès samedi prochain, devant sa télé, dans un hôtel
parisien, un peu après 19 heures. Les Lyonnais, qui joueront au Parc face au
Paris-Saint-Germain dimanche prochain à 21 heures, seront mathématiquement
champions si Bordeaux ne gagne pas à Lille, samedi, à 17 h15.
Gerland a failli applaudir les Verts. L’annonce du match nul entre Bordeaux et
Saint-Etienne (0-0), quelques minutes après la difficile victoire de Lyon sur
Nice (2-1), a fait passer un souffle joyeux sur le stade lyonnais. Cela n’est
pas allé beaucoup plus loin : depuis le temps que l’OL mène la danse, ses
supporters se sont fait à l’idée de l’imminence du cinquième titre en visitant
tous les sentiments intermédiaires. Après le « probable », ils sont passés au «
certain », et le « mathématique » arrive.
La conjonction du match nul des Bordelais et de la victoire lyonnaise aboutit à
cet écart de quatorze points, alors qu’il ne reste que quinze points à prendre.
Du coup, si Bordeaux ne gagne pas à Lille, samedi prochain à 17 h 15, les
Lyonnais seront sacrés champions de France un peu après 19 heures, à l’heure de
leur jambon-purée, dans un salon de l’hôtel de la région parisienne où ils
seront au vert. Ainsi prépareront-ils dans des conditions particulières leur
match du lendemain, au Parc des Princes, face au PSG, à 21 heures. Cela
apprendra au championnat de France à ne pas proposer à Lyon d’adversaire à sa
mesure : alors que les rencontres des deux dernières journées se disputent le
même jour, à la même heure, le décalage des programmes de l’OL et de Bordeaux,
lors de la 35e journée, risque d’aboutir à cette situation rare.
Depuis très longtemps, et surtout depuis la défaite des Girondins au Parc (1-3),
dimanche dernier, le suspense entourant le nom du futur champion de France était
inexistant. Il était remplacé par cette question : quand ? Mais même ce
suspense-là n’est pas parti pour durer. Gérard Houllier, hier soir, a lâché
l’évidence que quelques-uns de ses confrères auraient réfrénée : « Le titre est
gagné. » Il a raison, évidemment. « Bien sûr, il reste un point à prendre, et je
n’oublie pas qu’à deux minutes de la fin, à Milan, nous étions qualifiés. Mais
si Bordeaux ne gagne pas à Lille, nous serons champions avant d’entrer sur le
terrain au Parc des Princes… »
Etre sacré champion de France au Parc, Gérard Houllier sait ce que c’est. En
1986, il avait été sacré avec le PSG, contre Monaco (1-0). Il se souvient de
tout, bien sûr : « Le public sifflait, on en était à 0-0, un nul nous suffisait,
alors on faisait tourner. Et puis, il y a eu un corner pour nous. " Mamar " Da
Fonseca a fait un superbe loupé, Oumar Sène a marqué du genou, et nous sommes
devenus champions. Alors, être à nouveau champion de France au Parc, oui, ce
serait quelque chose. » L’endroit du couronnement compte toujours pour les
conquérants. Curieusement, c’est au Parc, déjà, que l’OL avait été sacré en
2004, effectuant un tour d’honneur au soir d’une défaite sans conséquence (0-1).
Houllier, champion au Parc…
Lorsque l’on demande à l’entraîneur lyonnais s’il préfèrerait être champion
devant sa télé ou sur le terrain, il glisse : « C’est le luxe des riches. Si
cela arrive, c’est parce que nous avons construit notre saison comme ça. C’est
pour cette raison que l’on voulait autant gagner contre Nice. La douleur et la
souffrance de Milan étaient encore là, mais la marque des grandes équipes est de
savoir cloisonner ses matches et ses sentiments. L’euphorie et la déprime sont
des faiblesses dangereuses. Alors j’avais dit aux joueurs de ne pas perdre
d’énergie à essayer d’effacer Milan, ou de compenser. Il faut vivre avec la
déception, c’est tout. Après, vous direz ce que vous voulez sur notre jeu, ce
soir, et ce sera sûrement vrai, mais je m’en fous, j’ai gagné… (Sourire) »
En songeant au prochain week-end, il dit encore : « D’abord, je ne veux pas
perdre au Parc, pour tout un tas de raisons… » Ce n’est pas la peine d’aller
chercher très loin. Dimanche prochain, Gérard Houllier reviendra sur le banc du
Parc des Princes pour la première fois depuis France-Bulgarie (1-2) en novembre
1993. Revenir au Parc en tant qu’entraîneur des champions de France chassera
probablement quelques fantômes intimes, que l’élimination dans les dernières
minutes à Milan (1-3), mardi dernier, avait peut-être réveillés.
Au Parc, Lyon saura déjà s’il peut entrer dans le livre des records au titre du
champion de France le plus précoce de l’histoire : car si Bordeaux ne gagne pas
à Lille, samedi prochain, les Lyonnais seront sacrés alors qu’il leur restera
cinq matches à jouer. Statistiquement, ce serait mieux qu’à quatre journées de
la fin, comme les précédents recordmen, un peu moins bien qu’à cinq journées de
la fin, comme personne ne l’a jamais fait : voilà une nuance qu’il faudra
intégrer, le cas échéant, dans le livre des records. Du reste, au train où va
cet OL là, certaines lignes lyonnaises de la saison en cours pourraient bien
prendre un peu de poussière.