L'affaire " L' Equipe "
L'article et les réactions des groupes de supporters ainsi que de M . Cohen
1: l'article
1ère partie
Certains mouvements d'extrême droite
ont des stratégies précises d'infiltration discrète d'associations de
supporters.
Le football n'est pas qu'un jeu de ballon. Par sa dimension populaire, il
intéresse ceux qui cherchent à véhiculer des idées extrémistes. Dans les stades,
les skinheads ont laissé la place à des leaders moins provocateurs qui
infiltrent les groupes de supporters. Aujourd'hui et demain, nous vous proposons
une plongée dans ce monde souvent souterrain, mais de moins en moins
marginalisé.
NICE. 23 MARS DERNIER.
Un dimanche. En match décalé, les Lyonnais sont attendus au stade du Ray pour la
31 ème journée de Championnat. Mais, dans l'après-midi, doit se jouer un autre
match. Les supporters lyonnais les plus ultras ont rendez-vous en ville devant
le siège des supporters de la Brigade Sud de Nice (BSN) pour une bagarre en
règle. Ils ne viendront jamais. Les policiers étaient au courant. La partie est
remise. Vers 17 h 30, grâce au téléphone portable, le signal est donné à ceux
restés en centre-ville de rallier le stade. Les esprits s'échauffent autour.
Derrière le virage sud, le bar L'Olympic ressemble à une place forte grouillante
où les odeurs de shit, d'alcool et la fumée des saucisses grillées s'élèvent au
milieu des cris, des chants et des banderoles nissardes, à la gloire de Nice et
de son comté.
La terrasse de fortune offre une vue unique: elle donne sur un cordon de CRS
prêts à intervenir derrière leurs boucliers. Ces deux mondes se mêlent mais il
suffirait d'une étincelle comme le passage de Lyonnais pour que deux lignes
s'affrontent. Le nouveau dispositif policier mis en place depuis la venue du
Paris-SG empêche toute mauvaise rencontre et toute guerrilla urbaine.
A quelques minutes du match, dans la chaleur du bar, la pression monte chez les
consommateurs autant qu'elle descend dans les verres. Grand, fort et parfois
drôle, « Le Poulpe » une figure de la BSN, présente à un novice un jeune
d'allure quelconque qui vient saluer : « Lui, c'est notre héros. Avec sa
voiture, il a tué un Arabe. » La tablée qui compte quelques sympathisants
d'extrême droite sourit, l'individu aussi qui confirme « Et je ne suis même pas
allé en prison. » Scène ordinaire d'un univers rarement décrit de l'intérieur
(*).
L'auteur de l'attentat contre Jacques Chirac était un assidu du kop de Boulogne,
au Parc des Princes.
Fabrice Robert ne va plus au match, mais l'ancien leader d'Unité radicale,
longtemps responsable des jeunes, connaît parfaitement cette réalité. « Depuis
cette année, on a des liens, des contacts assez intéressants avec des
supporteurs niçois. On travaille en réseau. On a participé aux manifs à Paris et
à Lyon. Les Brigades Sud, on les connaît depuis dix ans. Quand on fait une
action chaude pour défendre Nice, ils nous rendent la pareille et viennent nous
donner un coup de main sur une manifestation culturelle. »
Condamné pour négationisme et auteur d'un mémoire sur « La diffusion de l'idéal
identitaire européen à travers la musique contemporaine », Fabrice Robert s'est
installé à Nice en 1989 en suivant son père, militaire dans l'aviation. Dès
quinze ans, il est militant du Front National à Strasbourg, très vite à
Troisième Voie, puis conseiller municipal FN à La Courneuve, candidat MNR (le
parti de Bruno Mégret) en 2001 aux élections municipales à Nice, et élu en
février 2002 au conseil national du MNR.
Avant de débarquer pour dissension Christian Bouchet l'an passé, il fait une
bonne partie de son parcours politique aux côtés de ce Nantais (un ancien du
Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne et du Comité
d'action républicaine), d'abord à Nouvelle Résistance (1991) puis en fondant en
juin 1998 Unité radicale (mouvance nationaliste révolutionnaire) dans un but: «
Fédérer les radicaux extra parlementaires dispersés. » UR fonde sa base
essentiellement sur des groupes d'extrême droite comme Jeune Résistance, l'Union
des cercles résistance et sur les « rats noirs » du Groupe Union Défense (GUD)
né en 1968 à la faculté de Paris Il Assas et bien connu pour ses actions
violentes et ses relations avec certains supporters du PSG.
Maxime Brunerie avait fait naturellement le lien. À fréquenter le kop de
Boulogne, il a découvert les gudars. En tirant sur le président de la
République, Jacques Chirac, le 14 juillet 2002, deux mois après l'élection
présidentielle et la poussée du FN, Maxime Brunerie, militant à UR et adhérent
au MNR, a révélé à une bonne partie de la France l'existence, en dehors du «
système », de toute une nébuleuse activiste, faite de réseaux et de groupuscules
prêts à renaître sous une autre forme.
Dissous par un décret du 6 août 2002 pour avoir propagé « des idées qui
encouragent la haine, la violence et la discrimination pour des motifs racistes
», Unité radicale a continué d'exister sous le même nom sur Internet (son outil
de prédilection) avant de donner jour aux Jeunesses Identitaires (200 adhérents
et 1 000 militants en six mois), puis au mouvement adulte Bloc identitaire, créé
les 5 et 6 avril dernier aux assises de Macon (80 délégués pour une moyenne
d'âge de trente-deux ans).
« Nous reconnaissons la légitimité du Front sur le terrain de la souveraineté,
mais un drapeau trois couleurs ne peut pas être une réponse à la submersion
ethnique, le discours jacobin et anti-européen ne peut pas nous satisfaire,
explique son président, Fabrice Robert. Nos régions sont nos patries charnelles.
»
« Nous sommes présents là où le peuple se trouve (...).
C'est pourquoi nous sommes dans les stades"
Par rapport à d'autres mouvements, les identitaires offrent la particularité
d'être très actifs, réactifs et très bien implantés notamment à Paris, dans le
Nord de la France (Dunkerque, Lens, Lille), l'Est, en Rhône-Alpes et dans le Sud
(Nice, Montpellier et Toulouse). La Ligue du Midi vient d'ailleurs d'être créée.
Ils sont aussi très attentifs aux évolutions de la société afin de mieux
déterminer leur cible.
Le football n'y échappe pas, surtout depuis qu'il a pris une nouvelle dimension
en France avec la victoire de 1998. « Nous sommes présents là où le peuple se
trouve, explique Fabrice Robert, également bassiste du groupe rock Fraction.
Nous cherchons à profiter d'un terrain favorable pour attirer des gens qui
peuvent devenir sympathisants. Mais où sont les jeunes aujourd'hui ? Dans les
meetings politiques ? Certainement pas. En revanche, les rayons chez les
disquaires sont toujours autant remplis, les MP 3 s'échangent à des milliers
d'exemplaires et les stades attirent de plus en plus de monde. C'est pourquoi
nous avons notre label musical (Bleu Blanc Rock), nous organisons des concerts
et nous sommes dans les stades de football. »
De la même façon que les militants identitaires vont vendre - pour 2 euros - des
CD rock chantant leur message « clair et grand public » à la sortie des collèges
ou des lycées, ils fréquentent, sans contrepartie visible, les supporters.
Depuis longtemps, le football a été instrumentalisé, comme par le fascisme en
Italie dès la fin des années 20 ou encore le communisme au temps du bloc de
l'Est. L'histoire des Coupes du monde rappelle à quel point ce sport a servi de
support idéologique et de propagande. Mais, à l'intérieur d'un même pays, le
football, sans être pris totalement en otage, peut être un cheval de Troie
efficace pour des mouvements en marge et avides de toucher une population
vulnérable.
L'infiltration et la manipulation ont porté leur fruit en peu partout en Europe
dans les années 80 et 90, moments de gloire pour les skinheads fascistes
associés aux hooligans. En 1992, en Italie, Andrea Insabato, fondateur du
mouvement fasciste italien Forza Nuova, avait été arrêté au Stade Olympique de
Rome alors qu'il brûlait un drapeau à l'étoile de David et qu'il exhortait les
supporteurs à crier avec lui « les juifs aux fours ».
La Brigade Sud de Nice, l'un des plus anciens groupes ultras de France, né en
1985 après ceux de l'OM et avant ceux de la tribune Boulogne, à Paris, a connu
ces années agitées, elle s'en est même nourrie au point d'acquérir une solide
réputation et de faire les gros titres de la presse. « On est français-français,
c'est une question de suprématie, déclarait en 1990 Jean-Pierre, un BSN modéré.
Pas question que des bandes d'Arabes de Las Planas ou des Moulins (quartiers de
Nice) viennent nous narguer chez nous. » À cette époque, lors des bagarres entre
bandes rivales sur le port de Nice, la BSN allait volontiers filer un coup de
main aux skins « pour casser de l’ Arabe ».
Qu'est-ce qui a changé ? D'abord le discours officiel de la BSN, en nombre le
deuxième groupe de supporteurs de Nice (800 à 1 000 adhérents) : « Il y a
peut-être 80 % des gens qui votent Front National chez nous, mais on ne fait pas
de politique », déclare définitivement le président.
« Les supporters du kop Boulogne, c'est le contre-exemple.
Ils ont créé un ghetto »
« Ils s'occupent de foot à 70 % et de politique à 30%, chez nous, les
proportions sont inversées », glisse Madric, militant identitaire qui tient Le
Paillon. Cette librairie très spécialisée est située ce qui facilite les
échanges - à une rue du siège de la BSN, dont les locaux en sous-sol furent
autrefois ceux du Front National.
Qu'est-ce qui a changé encore ? La tenue vestimentaire. Plus question d'être
marqué. Fini les Doc Martens, les bombers et les crânes rasés. Bienvenue au «
casual type » (jean, basket, tee-shirt, coupe de cheveux classique et sourire si
possible). Les leaders ont pris de l'âge, sont devenus pères, et ont compris
qu'il fallait changer de méthode et de discours « On ne veut pas d'image
extrême, folklorique, défend Fabrice Robert. On n'est pas là pour faire peur au
peuple. On n'est pas des nazis. Le filtrage pour être adhérents aux Jeunesses
identitaires a été très important. Pour la première fois, on a refusé des gens.
Puis, on sait qu'on est surveillé. À quoi ça sert d'avoir le crâne rasé et
d'arriver avec ses gros sabots ? Regardez les supporters du kop Boulogne, ils
sont tout de suite repérés par la police, ils ne peuvent plus rien faire, ils
sont encadrés où rayés des stades. C'est le contre exemple. Ils ont créé un
ghetto. » Cette technique d'approche permet aux Identitaires de se fondre dans
un milieu et de créer avec patience des liens avec les supporters. « Si notre
action n'est pas encore affirmée dans les consciences collectives, on en
reparlera dans trois ou quatre ans », assure Madric.
MARC CHEVRIER
(*) : Eric Rossi, adhérent et militant actif du Front National, skinhead et
supporter au kop de Boulogne dans les années 80, a écrit un mémoire de maîtrise
intitulé « Jeunesse française des années 1980-90: la tentation néo-fasciste."
2ème partie
En France, des mouvements
d'extrême droite encouragent le hooligalisme comme vecteur de recrutement et de
rapprochement.
En partageant avec les supporters ultras leur passion pour le football, les
militants de la Jeunesse identitaire propagent leurs idées et récupèrent des
adhérents. Les bagarres restent toujours l'occasion de nouer des liens solides.
Et, bien au-delà des matches, de les entretenir à des fins politiques.
Aujourd'hui, nous concluons notre enquête dans cet univers souterrain, mais de
moins en moins marginalisé.
CE NOUVEAU FAIT DIVERS avait scandalisé et avait été perçu comme une provocation
de plus. Alors que Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur, avait repris en
main le dossier du hooliganisme dans le football et s'apprêtait à faire passer
un amendement sur la sécurité dans les stades et autour, avant de se rendre au
match de Coupe de France entre PSG et OM (2-1 a.p.), un supporter parisien
recevait un coup de couteau à l'abdomen lors d'une bagarre à Nice-PSG (22
janvier, 0-0).
Un mois plus tard, le tribunal correctionnel de Nice condamnait un supporter
parisien à deux mois de prison avec sursis, 400 euros d'amende et une
interdiction de stade pour s'être introduit sans billet et avoir cassé la
mâchoire d'un spectateur niçois. Un autre était relaxé faute de preuve alors
qu'il s'en était pris aux forces de l'ordre. L'auteur du coup de couteau sur un
membre des Gavroches de Paris (modérés de Boulogne) n'avait pas pu être
identifié.
« Mais la veille du match, on trinquait avec des commandos pirates de Paris,
interdits de stade, expliquent plusieurs supporters de Brigade Sud de Nice.
C'est à ce moment qu'on a décidé qu'on se foutrait sur la gueule pour les
couleurs. Une baston à mains nues. C'était drôle parce que dès le début, un gars
interdit de stade parisien, un ancien de Boulogne, est allé directement frapper
un CRS. Jamais on n'aurait planté un supporter parisien. En fait, c'est un
pizzaiolo qui avait peur pour sa vitrine et qui est sorti avec un couteau. »
« C'est le conflit ouvert avec les Parisiens, ceux d'Auteuil, mais pas de
Boulogne, déclare Franck un supporter de la BSN, sympathisant du Bloc
identitaire, mouvement politique né après la dissolution d'Unité radicale. Quand
Marseille vient au stade du Ray, les Parisiens viennent nous aider. À Bordeaux,
au match aller, ils étaient encore avec nous. A 200, on a traversé la ville pour
aller jusqu'au local des supporters bordelais, des Rouges (NDLR : les
communistes) jumelés avec certains Stéphanois. »
« Nos idées nous relient les uns aux autres, mais le foot peut prendre le dessus
»
En écoutant ces conversations, les militants identitaires n'ont pas besoin d'en
rajouter sauf pour souligner le lien entre le sport et l'action politique: « A
notre dernière réunion en décembre à Lyon, les Stéphanois ont hésité à venir
nous soutenir. Ils étaient minoritaires et avaient peur de tomber sur les
Lyonnais. Nos idées nous relient les uns aux autres mais le foot peut prendre le
dessus. »
Si pour les Niçois les relations avec les Stéphanois sont parfois ambiguës,
elles se clarifient avec d'autres groupes notamment en Ligue 1 et dans des zones
géographiques où l'extrême droite a progressé aux dernières élections (Nord et
Est), où également le sentiment régionaliste se manifeste fortement. Seule la
Bretagne, déjà mature sur la question de sa culture, et le grand Ouest en
général semblent échapper à toute emprise politique initiée parles Identitaires.
« On défend les peuples historiques de l'Europe, la Bretagne - qu'on aimerait
bien sensibiliser-, l'Occitanie, l'Alsace, le Pays basque, la Corse, le Comté de
Nice souligne Fabrice Robert, le président du Bloc identitaire et ancien
porte-parole d'Unité radicale. ll ya une civilisation et une tradition à
défendre. Quand on voit, ici, les supporters chanter en niçois l'hymne niçois et
porter des tee-shirts ou des banderoles à la gloire de Garibaldi ou de Segurane
(1), c'est excellent pour nous. On accompagne le développement de cette fibre
identitaire sans prendre de directives précises. On est là, y compris lors des
déplacements. C'est un vivier évident pour nous. Mais on n'est pas les seuls à
politiser les stades (2). »
Fabrice Robert approfondit les mécanismes qui créent ce rapprochement :
«Aujourd'hui, nous vivons une époque individualiste, dans une société atomisée,
sans repère. Les supporters, qui ont entre seize et vingt-cinq ans et ont reçu
pour la plupart une formation manuelle, recherchent un clan. En défendant leurs
couleurs, ils veulent défendre leur ville, leur région, leur identité. Entourés
par leurs frères de combats, ils se sentent protégés. Le "système" donne des
moyens d'exister mais pas des raisons de vivre. Alors rien de tel que de se
retrouver le week-end. » Sur son site, où elle recommande un forum apolitique,
la BSN, qui possède sa propre section à Paris (BSN Parigi) n'admet qu'une amitié
avec les Dogues Virage Est de Lille. Les Identitaires, eux, revendiquent en plus
des liens avec les Boys de Paris, les Gones de Lyon, les Red Tigers de Lens, les
Ultraboys à Strasbourg.
Marseille n'entre surtout pas dans cette liste et bénéficie d'un traitement
spécial. Il existe toujours une bonne raison de faire front ensemble même si les
uns défendent un idéal politique et les autres une cause sportive. « On ne porte
pas Marseille dans nos coeurs, disent les premiers. C'est une ville cosmopolite,
qui renie son passé. On ne verra jamais une référence à l'héritage grec dans les
tribunes. »
En revanche, à Nice, comme à Paris et Lyon, la croix celtique apparaît
régulièrement. La dernière fois, c'était lors du match Nice-Guingamp et, de
façon inattendue, à l'initiative d'une poignée de jeunes de quatorze-quinze ans
de la tribune nord. « Vous voyez, cela se fait tout seul, fait remarquer Madric,
militant davantage rangé aujourd'hui après un passé skin. On a quand même repris
ces jeunes après pour leur demander d'être plus discrets. » Pas la peine de
semer le trouble inutilement ou de risquer d'être marginalisé. Le club s'est
officiellement offusqué...
« Depuis trois ou quatre ans, on n'entendait plus parler politique mais avec le
retour en Ligue 1 et la médiatisation, la croix celtique est aussi revenue,
commente François Fougeron, un responsable du Club des supporters (CDS) le plus
grand groupe (1 500 adhérents) où l'on retrouve quelques anciens de la BSN. Mais
c'est pas la peine d'en faire une montagne. Qu'ils montrent Che Guevara ou la
croix celtique, du moment qu'ils aiment le club on s'en fout. Mais je
m'opposerai fermement à toute tentative de manipulation de la part d'un groupe
politique. »
Que les mecs se battent, affrontent la police et fassent même de la prison,
c'est une bonne formation. On les récupère aguerris. »
En accord avec l'idéologie défendue par Fabrice Robert et ses amis - ce
qui tend à prouver, si besoin était, que la BSN n'a pas le monopole sur Nice
(ville dirigée par Jacques Peyrat, un ancien FN élu sous l'étiquette RPR) des
bonnes relations avec les extrémistes - il sait très bien que les méthodes
d'approches ont changé et que le glissement idéologique se fait aujourd'hui en
douceur.
« De toute façon, dans une ville qui vote à 30% Front National, la croix
celtiques a plus de chance d'être tolérée", conclut-il.
Une immersion dans la tribune sud apporte un lot de nouvelles "tolérances". Le
tout sous l'oeil des stadiers qui sont des anciens de la BSN. Dans cette espace
reservé aux adhérents acceptables, plutôt blancs, (comme le Kop de boulogne),
entre deux pogos (furieuses bousculades héritées des années 80) on y chante
effectivement en niçois, on tend les bras devant, en abaissant rapidement le
gauche « pour être plus proche de la réalité » - c'est à dire du salut nazi -,
on regarde très peu le match, on crache sur les photographes ou le gardien, et
on pousse des cris de singes dès qu'un joueur noir, même s'il est niçois, touche
le ballon...
« Tant qu'il se soumet à Nice et à la "nissartitude ", fait son travail de pro,
de mercenaire, en trempant le maillot, ce n'est pas gênant », explique « Le
Poulpe », un supporter non militant politique, par ailleurs soucieux de
contribuer à la réputation redoutable de la BSN, revenue au-devant de la scène
cette saison. Question de plaisir, de suprématie et de fierté.
La direction générale de la police a enregistré en 2002 une augmentation de 30 %
du hooliganisme, « sans que les chiffres soient extravagants ». Au nombre
d'exactions, Nice arrive en bonne position avec Lille et Lyon, derrière
Bordeaux, Marseille et Paris.
« En allant à Sochaux pourle match, raconte avec fierté Alexandre, un jeune BSN
qui n'affiche plus son look skin, on s'est arrêté spontanément à Montbéliard
pour une ratonnade en règle. C'était pas difficile d'en trouver il n'y a que çà
là-bas. » « Quand je vois un stade vouloir vivre et que les hommes ne demandent
qu'à libérer leurs instincts... » s'enthousiasme Fabrice Robert. « De toute
façon, que les mecs se battent, affrontent la police et fassent même de la
prison, c'est une bonne formation, se réjouit Madric. On les récupère aguerris.
»
Le 27 avril dernier, militants et supporters avaient ainsi préparé leur descente
coup de poing à Cagnes sur Mer qui recevait, en CFA 2, un vieil ennemi des
Niçois : Toulon. L'affrontement a été violent. « Des hooligans niçois au stade
de Cagnes », a titré à la une le lendemain Nice Matin. La BSN, dont l'un des
responsables a été mis en examen suite à des incidents survenus pendant
Nice-Marseille en novembre dernier, a osé nié toute participation. Et dire que
Toulon va rejoindre la réserve de Nice en CFA la saison prochaine...
Lors de ces batailles rangées, quelques participants portent le sweat « diabolik
» « réservé à certains membres » sur le site Internet de la BSN. Noir, il permet
en remontant une simple glissière et une capuche de ne plus laisser voir que les
yeux. Il vient tout droit de Turin. C'est l'habit de combat des supporters du
Torino, notamment des Ragazzi della Maratona, avec lesquels les membres de la
BSN se sont liés d'amitié. Le 23 février dernier, ces supporters reconnus
fascistes avaient saccagé le Stadio Delle Alpi et interrompu le match contre le
Milan AC. Les références à Nice sont italiennes.
A ce propos, le stade idéal, pour Fabrice Robert, ressemblerait « à celui de la
Lazio de Rome où on n'hésite pas à développer un discours plus politique avec
diffusion de messages très directs et les symboles des régions devant les
caméras de TV. Et pourquoi pas sur le terrain une équipe du comté de Nice face à
des Bretons » ? Puis il ajoute : « Mais Mohammed , même français, ne brandira
pas un drapeau niçois ou breton. »
Ainsi tourne la planète foot, en France, vue de ce côté de la lorgnette. Rien de
visible, de défini vraiment ou de transparent dans cette actualité qui n'est pas
seulement rythmée par les matches, mais qu'il ne faudrait pas pour autant
sousestimer.
MARC CHEVRIER
(1) : Giuseppe Garibaldi (1807-1882), niçois, s'est indigné quand le comté de
Nice fut annexé à la France en 1860. Catherine Segurane symbolise la résistance
niçoise contre les envahisseurs turcs alliés à François 1 er en 1543.
(2) : Fabrice Robert fait référence aux quelques groupuscules extrémistes de
gauche ou de droite, moins bien structurés, mais présents parmi les supporters
dans les stades de France.
Le match Nice-Paris (0-0) du 22 janvier avait dégénéré en bagarre, faisant un
blessé grave : « C'était une belle bagarre comme on aimerait en voir plus
souvent, réglo des deux côtés », déclare le président de la BSN.
« Les Parisiens ont compris qu'on n'était pas des chiens et des gitans armés. »
La Brigade Sud réagit
Le président des supporters de la Brigade Sud de Nice (BSN) a voulu clarifier la
position de son groupe après la parution du premier volet de l'enquête: « La
Brigade sudn'a aucun rapport, ni de près ni de loin, avec un quelconque
groupement d'extrême droite ou d'extrême gauche. De tels rapprochements sont une
insulte aux jeunes issus des quartiers populaires qui ont créé le groupe... et
une offense aux nombreux joueurs de couleur qui composent notre équipe et au
président de notre club, M. Maurice Cohen, avec qui nous entretenons
d'excellents rapports... Il n'y a aucune discrimination au sein de la BSN. Les
meneurs de groupes extrémistes (Unité radicale, MNR et autres) n'ont jamais eu
et n'auront jamais l'honneur de la participation des responsables de la Brigade
Sud pour quelques actions que ce soit. »
En complément de ce communiqué et en prenant connaissancedu deuxième volet, le
président de la BSN nous a précisé au téléphone : « La BSN est apolitique. Si
l'influence de groupes extrémistes devait s'avérer et prendre de l'ampleur, ils
dégageraient du stade du Ray. Mais s'ils pensent qu'ils peuvent recruter, ça les
regarde. À Sochaux, il est aberrant de parler de ratonnade. ll y a eu une
bagarre avec en majorité des "gris" (des Maghrébins). À propos de
Cagnes-sur-Mer, la BSN n'a jamais donné de mot d'ordre pour aller là-bas. Mais
chacun fait ce qu'il veut. » Enfin, la librairie Le Paillon fait savoir qu'elle
demeure indépendante de toute structure politique, et le restaurant L'Olympic
qu'il n'exerce aucune discrimination envers sa clientèle etqu'il n'est lié à
aucun groupe extrémiste.
2 : Réactions
Courrier de l'OGC NICE adressé à Mr
JOUAN
Directeur de la rédaction de l'Equipe
Monsieur le Directeur,
Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, concernant deux articles
parus dans votre
quotidien des 21 et 22 Mai 2003, nous vous confirmons que nous sommes déçus du
comportement de votre journaliste ainsi que de la manière dont le sujet a été
traité.
En effet, ces articles laissent croire à vos lecteurs que l'infiltration de
groupes d'extrême droite ne se produit qu'à Nice, alors que ce phénomène
socio-politique existe dans de nombreuses villes de France
(LYON,PARIS,BORDEAUX,MARSEILLE...).
Votre article imagé par deux photos, nous montrant pour l'une des supporters
niçois au stade et pour l'autre, des combats de rue, démontre que Marc CHEVRIER
n'a voulu mettre en cause que le public niçois.
D'autre part, nous vous faisons parvenir ci-aprés, un communiqué en guise de
droit de réponse signé par l'ensemble des joueurs et du staff technique ainsi
que par le Président du Club.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Directeur, nos salutations distinguées.
Signé : Maurice COHEN
--------
Droit de réponse de tous les joueurs et entraineurs de l'OGC NICE.
Suite aux articles parus dans l'EQUIPE du 21 et 22 mai 2003..
"Vous dites, on y chante ( tribune Sud de Nice) en niçois... on est proche du
salut nazi, on crache sur les photographes ou sur le gardien, on pousse des cris
de singes dès qu'un joueur noir, même s'il est niçois touche le ballon."
Nous TOUS, protestons contre ces allégations que nous considérons comme
inexactes.
Nous témoignons : jamais nos supporters n'ont insulté un de nos joueurs pour sa
couleur.
Au contraire, ils les acclament comme dans aucun autre stade et scandent leurs
noms comme TRAORE, DIAWARA, CHERRAD, PAMAROT, EVERSON ... contre Bordeaux, mardi
dernier.
Nous sommes fiers de nos supporters qui sont parmis les meilleurs de France et
qui savent faire de chaque match au Ray une fête, quel que soit le résultat.
Pour cloture une belle saison, nous manifesterons lundi à 20 heures avec notre
public lors du match contre Bruges contre le racisme.
Signé : Gernoth ROHR pour les entraineurs
José COBOS pour les joueurs
Maurice COHEN
________
L'ENSEMBLE DES GROUPES DE SUPPORTERS DE L'OGCNICE
(ARN, BSN, Club des Supporters, Fidèles du Grillage, Legioun Ultra’, Rovers,
Secioun Nissarda) et le club Ogcnice Côte d'Azur
en rapport avec les articles parus les 21 et 22 mai 2003 dans le journal
l'Equipe, communique :
Nous considérons que les articles ci-dessus référencés comportent bien trop
d'allégations mensongères et d'affabulations pour être qualifiés de crédibles.
Il nous semble néanmoins utile de préciser certains points :
Le stade du Ray est un lieu de fête et de soutien à l'OGC Nice pour TOUS les
supporters qu'elle que soit la couleur de peau, la religion ou l'opinion
politique.
Aucune tribune du stade n'est réservée à qui que ce soit, TOUS sont bienvenus
pour encourager notre équipe. Il n'y a pas et il n'y aura pas de discrimination
dans les tribunes du stade du Ray.
Aucun groupe de supporters ne soutient, n'accrédite ou ne défend d'opinion
politique au stade et les mouvements extrémistes cités dans l'article n'ont et
n'auront aucun pouvoir à l'intérieur de ceux-ci.
Les différents groupes de supporters ne pourraient tolérer que la politique ait
droit de cité au stade du Ray.
Nous considérons que l'Hymne Niçois et les effigies de Garibaldi et Catherine
Ségurane sont pour nous le témoignage de l'attachement que nous portons à notre
ville, à notre culture, à nos traditions et à RIEN d'autre.
Si il plait à certains d'y voir un terrain favorable pour leur "quête", c'est
leur affaire ...
En ce qui nous concerne, nous n'avons nul besoin et rejetons leur "soutien" ou
leur "accompagnement".
L'attachement que nous manifestons à notre culture, à notre histoire et à nos
traditions est totalement apolitique.
Aucun joueur de l'effectif professionnel n'a jamais eu à subir d'animosité ou
d'insultes comme prétendu dans l'article. Ils sont avant tout joueurs niçois et
ont TOUS un comportement qui nous rend fier d'être des supporters de l'OGCNICE.
Il s'agit là encore d'allégations totalement mensongères et infondées.
En ce qui concerne le soi disant salut nazi dans les tribunes, nous engageons
vivement l'auteur de l'article à revoir sa copie afin de faire la distinction
entre une gestuelle MONDIALEMENT connue dans les stades et un salut hitlérien.
Nous condamnons les amalgames qui laissent à penser, à partir de déclarations ou
de comportements d'individus isolés que les supporters niçois ont une attitude
intolérante et raciste.
Il est en effet trop facile à partir de ces déclarations de créer la confusion
et de faire croire qu'à Nice il y a des supporters violents et extrémistes.
En ce qui concerne le mouvement cité dans les articles nous confirmons que ces
personnes n'ont et n'auront aucun pouvoir de décision et/ou d'action au sein des
groupes de supporters.
Nous ne laisserons pas un mouvement politique quel qu'il soit infiltrer de
manière significative les tribunes du stade du Ray. Nous sommes et resterons
extrêmement vigilants.
Le Comté de Nice n'a nul besoin de ces gens là pour vivre et prospérer
Communiqué adressé à : ACTU FOOT, L'EQUIPE, NICE MATIN