Drissa Diakité:

"Une grande aventure commence..."

 

Extrait

 

Les Niçois t'ont decouvert il y a peu lors de ton entrée en jeu à Marseille. Quel homme se cache derrière le footballeur ?

Je suis quelqu'un de simple et déterminé à réussir. J'ai toujours été comme ça. Je n'aime pas trop me raconter, je suis plutôt discret dans la vie. Je préfère agir que parler et j'essaie d'aller toujours de l'avant, sans programmer les choses ni m'enflammer dès que ça marche bien.

Enfant, rêvais-tu d'un destin à la Salif Keita, légende du football malien qui fit les beaux jours de St-Étienne et Marseille dans les années 70 ?

J'ai connu Salif Keita car il possède un centre de formation portant son nom à Bamako. J'y ai passé un an et reçu quelques conseils de sa part. Mais comme je vous l'ai dit, je n'ai jamais été du genre à me projeter vers l'avenir. J'ai toujours essayé d'avancer dans ma vie, de travailler pour progresser. J'ai pris les choses comme elles venaient.

Entre l'école et le foot, ton choix s'est fait rapidement ?

Dès le départ, j'ai toujours préféré jouer au foot qu'aller à l'école. Mais j'ai effectué une scolarité normale, jusqu'à 18 ans, avant de me consacrer entièrement au foot. Je ne pouvais plus suivre les stages en équipe nationale de jeunes et passer mes examens. Avec la sélection, on faisait des stages d'un mois, je ne pouvais plus suivre.

Comment es-tu venu au foot ?

Un peu comme tous les gamins africains, en jouant dans la rue avec les copains.

Et ensuite ?

Un an au centre Salif Keita avant de rejoindre l'AC Djoliba, un grand club de Bamako. J'ai joué là-bas chez les jeunes, puis en junior j'ai commencé à être intégré en équipe première. Ça marchait plutôt bien, c'est pour cela que j'ai voulu partir et que j'ai finalement rejoint l'Algérie.

Partir, c'était obligatoire ?

Pour connaître le haut niveau c'est indispensable de quitter le pays. J'ai fait toutes les sélections de jeunes du Mali depuis les minimes, si je restais au Mali, je n'avais aucune chance de passer le cap avec l'équipe A. Devenir international est presque impossible pour un joueur qui ne quitte pas le pays. Et puis j'avais l'exemple de joueurs comme mon compatriote Mamadou Diarra ou le Ghanéen, Mickaël Essien. Quand on voit des Africains réussir en Europe, on se dit " pourquoi pas moi ?" .

Au départ, l'Algérie était donc pour toi comme beaucoup d'autres un sas vers l'Europe. Comment as-tu rejoint le Mouloudia d'Alger ?

J'avais un agent au pays, c'est lui qui m'a proposé d'aller là-bas. Comme vous le dites, c'est en Afrique du Nord qu'il y a les meilleurs championnats du continent. Pour beaucoup, c'est donc un tremplin car c'est plus facile de s'y faire un nom et d'être remarqué- par des observateurs européens. Au Mali ou au Burkina, c'est beaucoup plus difficile, c'est pour cela que beaucoup partent.

C'est d'ailleurs un gros problème. Seulement 2% des joueurs africains qui viennent en Europe trouvent un contrat, la plupart se faisant duper par de vrais/faux agents et restant sans papiers ou en situation précaire. Quel regard portes-tu sur ce phénomène ?

C'est triste de voir de nombreux jeunes Africains se faire avoir par des gens sans scrupule, mais chacun est responsable de ce qu'il fait. Ne croyez pas que l'on croit tous que l'Europe c'est le paradis au point de partir à l'aveugle. Tous les jeunes footballeurs africains ne sont pas si naïfs. Personnellement, si je n'avais pas eu de contacts sérieux, ce que j'ai bien sûr vérifié avant de m'engager, je serais resté au pays. On sait comment ça se passe, on ne sort pas de nulle part. Après, dans la vie, on a sa chance ou non. Moi j'ai eu le bonheur de l'avoir.
ne quitte pas le pays.

Que retiens-tu de ton passage au Mouloudia d'Alger ?

J'ai découvert un pays qui vit à 200% pour le foot. Le Mouloudia c'est un club très populaire en Algérie. A chaque match 80 000 spectateurs s'entassent dans le stade, c'est impressionnant. Très souvent, il y a le double de personnes que le stade peut en contenir. Et je ne vous parle pas des derbies... 100 000 spectateurs en furie, une pression inimaginable, il faut le vivre. C'est une expérience que je n'oublierai jamais.

En tout cas, tu n'as pas tardé pour te faire un nom là-bas. Tu as même été élu meilleur joueur étranger du championnat...

En Algérie, si tu donnes beaucoup, tu reçois beaucoup. J'ai fait mon maximum sur le terrain et j'en ai été récompensé.

A Nice aussi tu as vite forcé le choix des dirigeants. Venu pour un essai, tu as rapidement été engagé. Comment ça s'est passé ?

Je suis venu le 27 janvier, c'était un vendredi et le lendemain Nice devait jouer à St-Etienne. Mais le match n'a pas eu lieu à cause du temps et le samedi, j'ai donc participé à une opposition interne avec le groupe. Ça s'est plutôt bien passé et le lundi, je signais mon contrat. Une grande aventure commence...
Pensais-tu réussir aussi vite ?

On l'espère toujours, mais c'est vrai que là j'ai été surpris. Je suis venu pour un essai de quinze jours et depuis je ne suis jamais reparti !

Quatre ans et demi  de contrat, c'est une marque de confiance assez rare dans le foot actuel. On imagine que cela va te permettre de travailler sereinement et de continuer ta progression ?

C'est une grande fierté pour moi. Un bon contrat quand on est jeune, c'est sécurisant et ça permet de travailler sereinement. Quatre ans et demi, ça montre aussi que le club mise sur la durée, mais je ne compte pas attendre tout ce temps pour m'imposer. Je sais que ce sera juste pour cette saison, mais pour la prochaine, je vais essayer de passer à la vitesse supérieure.


En tout cas, faire ses grands débuts en championnat de France au stade Vélodrome c'est exceptionnel...

C'était pas facile de rentrer dans une telle rencontre. J'espérais jouer, mais je ne pensais pas que le coach me donnerait 20 minutes. J'ai découvert un stade avec un gros public, avec un petit groupe de niçois qui n'a pas cessé d'être derriere l'equipe face a 40 000 personnes. Je suis habitué aux chaudes ambiances, mais c'est vrai que c'était pas mal. J'ai aussi découvert une belle équipe de Marseille que nous aurions pu bousculer en croyant plus en nos chances. On sentait une grosse pression, mais je ne m'en suis pas occupé, j'ai essayé de faire de mon mieux.

En arrivant à Nice, tu as retrouvé deux Maliens avec Sammy Traore et Mamadou Bagayoko. Cela a-t-il facilité ton intégration ?

Ça m'a aidé, c'est vrai. Sammy et Mamadou sont très gentils avec moi. Nous n'avons jamais évolué ensemble en sélection, mais ils me connaissaient car on a le même manager. Mamadou me parle beaucoup, il me donne des conseils, Sammy aussi... Mais je tiens à dire que c'est toute l'équipe qui m'a ouvert les bras, je pourrais citer tout le monde.

Quel dialogue entretiens-tu avec le coach ?

Nous n'avons pas beaucoup parlé... Il m'encourage, me conseille lors des entraînements. Je prends sa décision de me faire rentrer en jeu à Marseille comme une belle marque de confiance.

Comment t'es-tu organisé pour la vie de tous les jours ?

Le club m'a trouvé un petit appartement. Je suis bien installé, c'est tranquille. Des fois, je me sens un peu seul, mais c'est normal, mes proches me manquent...

A ce propos, que pensent-ils de ton ascension ?

Ils sont contents pour moi. Ils peuvent suivre les matchs français à la télévision et m'ont appelé de suite après le match de Marseille. Pour ma part, j'essaie de les rendre fiers, je me donne à fond avec une forte pensée pour mon père, qui est décédé il y a quatre ans. J'aurais aimé qu'il puisse voir tout ça, je me bats chaque jour pour lui faire honneur.

La sélection, y penses-tu et que t'inspirent les qualifications du Togo et de l'Angola pour la coupe du Monde ?

Je pense que le meilleur moyen de gagner sa place en sélection est de faire de bonnes performances en club. C'est ce que je vais m'efforcer de faire. Après, si je peux apporter quelque chose à cette équipe, j'en serais le plus heureux. Concernant, le Togo et l'Angola, leur parcours peut donner des regrets au Mali. Je pense
que nous avons un bien meilleur potentiel que ces nations et les voir au Mondial alors que nous on va le regarder à la télé, c'est dur. Je me demande d'ailleurs ce qu'ils vont pouvoir y faire après leur parcours décevant à la CAN. Malgré tout, ils représenteront l'Afrique, donc nous les soutiendrons.

Pour en revenir à l'OGC Nice, tu vas aussi avoir la chance de fouler la pelouse du Stade de France dans un mois...

Inch Allah ! Je le souhaite de tout coeur même si je n'ai pas participé aux matchs précédents dans cette coupe. En tout cas, j'étais dans les tribunes à Monaco pour la demi-finale, et vu l'ambiance qui régnait là-bas, j'imagine que ça va être quelque chose à Paris...

 

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