D.Bravo : " Entre Nice et moi, c'est une histoire d'amour"

 

Extrait "Le foot"

 

 

Daniel, que représente l'OGC Nice pour vous ?

Nice fait partie avec le PSG, où j'ai passé sept ans, des clubs qui ont marqué ma carrière. J'ai également joué sept ans à Nice mais en trois fois. La première fois, c'était magique. C'est dans ce club que j ai débuté en pro. J'étais très aimé. Les gens ont été exceptionnels avec moi.

Entre Nice et le PSG, votre coeur balance.

Avec Nice, c'est le coeur qui parle. Ce fut une expérience humaine formidable même si je n'y ai gagné aucun titre contrairement à Paris (un titre de champion, deux Coupes de France, une Coupe de la Ligue et une Coupe des Coupes, Noir). A Nice, les gens m'adoraient... C'est vrai que je n'ai rien gagné avec Nice mais si l'équipe avait été plus compétitive je ne sais pas non plus si on m'aurait donné l'opportunité de jouer aussi tôt (17ans). . .

C'est d'ailleurs là qu'est né votre surnom de "Petit Prince du Ray".

Tout à fait Les gens m'aimaient tellement que même quand je n'étais pas bon le public disait que c'était les autres qui ne bougeaient pas bien autour de moi. Quand je suis parti à Monaco et que les gens étaient durs, parfois trop d'ailleurs, je l'ai très mal pris car je n'avais pas l'habitude de ça. En plus, mon transfert avait été important 7 MF (1 euros), soit le plus gros transfert franco-français à l'époque. Le public monégasque était dur et moi je tombais des nues car à Nice j'étais le chouchou...

Ce surnom n'était-il pas trop difficile à porter ?

Non, mais ensuite ça m'a suivi à Monaco et au PSG. J'étais le Petit Prince de Louis II et du Parc. .. Mais le Petit Prince, ça ne pouvait marcher qu à Nice. .. Vous sentez-vous plus niçois que toulousain ? Je suis parti de chez moi j' avais 16 ans. La première année, je jouais en 3e Division et la suivante avec les pros. J'arrivais de mon bled à côté de Toulouse et je ne m'y attendais vraiment pas ! C'était une histoire incroyable, une histoire d'amour avec les gens...

Qu'est ce qui vous a manqué pour gagner quelque chose avec le gym?

La meilleure saison, c'est quand je suis revenu après Monaco. J'étais plus mâture, je jouais n°7 et l'équipe était davantage compétitive. On a raté l'Europe de peu (6e en 1988-89, Ndlr) et ensuite financièrement le club a explosé. II n'a même pas essayé de me retenir. Il m'a vendu au PSG pour faire rentrer des sous dans les caisses. Pourtant, je n'avais pas envie de partir! L'équipe était très bonne avec Bocandé, Jean-Philippe Rohr, Elsner. L'ambiance était excellente mais les salaires étaient quand même élevés et comme on n'a pas accroché l'Europe ça ne pouvait pas durer.

Echangeriez-vous l'un de vos nombreux titres pour un seul avec Nice ?

Mon rêve, c'était de gagner quelque chose avec Nice ou de jouer la Coupe d'Europe avec ce club. J'avais vécu des ambiances de folie au stade du Ray pour des grands matches de championnat, j'imaginais ce que ça aurait pu donner si on avait joué l'Europe. Le Ray aurait explosé ! Je ne l'ai jamais vécu. C'est dommage mais j'ai quand même vécu quelque chose de magique à Nice. Ça ne s'est pas très bien passé quand je suis revenu la dernière fois, mais je préfère garder le positif et notamment mes débuts quand je jouais attaquant et que je donnais du plaisir aux gens.

Y a-t-il un joueur qui vous ait marqué au Gym ?

Oui, Bjekovic. Quand je suis arrivé, c'était la star de l'équipe. C'était un joueur exceptionnel, très complet. Il avait tout ! II était élégant, il frappait des deux pieds. Par la suite, il a été mon entraîneur quand je suis revenu à Nice (de 1987à 1989).

Et un match ?

Je me souviens d'un match de championnat contre Lens (le 17 septembre 1988, Ndlr) où j'avais marqué trois buts.

C'est aussi à Nice que vous avez goûté pour la première fois à l'équipe de France alors que le club était en D2 !

Malheureusement, je n'ai jamais réussi à montrer en équipe de France (13 sélections, 1 but) ce que je faisais en club. Ce n'était pas facile. Ce n'était pas ma génération... J'ai été international à 19 ans mais je n'en garde pas un souvenir exceptionnel à part cette première sélection contre l'Italie (le 23 février 1982, Ndlr) où j'ai marqué. Avec le recul, ce n'était pas très positif car ensuite, quand je suis parti, on m'a catalogué comme un enfant gâté, un joueur qui a de la qualité mais qui se repose trop sur ses lauriers, un éternel espoir ce genre de choses...

Comment définiriez-vous le public niçois ?

Il est chaud comme le sont les publics du Sud. Avec moi, il n'était pas dur sauf à la fin, On m'a fait payer la mauvaise saison. Certains ont oublié tout ce que j'avais apporté au club. Ce n'est qu'une poignée de personnes. Ça m'a blessé mais ce n'est pas ça que je garderai. Pour moi, Nice ce n'était que du bonheur.

Le 6 août pour le match contre Lyon.

Si je peux, j'essayerai de m y rendre. Mais c'est vrai que ma fin à Nice a un peu tout gâché. Ce club, je l'ai dans mon coeur et être conspué et rejeté comme un mal propre ce n'est pas passé. J'ai donné beaucoup à ce club par plaisir et la fin me peine un peu.

Auriez-vous aimé vous investir dans le club après votre carrière ?

Si j avais voulu, j'aurais pu. Mais dans ces conditions, ça ne m'intéressait pas. Mais c'est sûr que ça m'aurait plu.

N'enviez-vous pas un peu José Cobos ?

Je suis très content pour lui. Il est d'ailleurs arrivé en même temps que moi (1999-2000). Ma venue a été un échec et la sienne une réussite. Ça me fait plaisir pour José. Et s'il peut avoir par la suite un rôle au club, tant mieux.

Est-ce exclu de vous voir revenir à Nice un jour ?

On ne peut pas savoir Le problème, c'est que j'ai du mal à oublier ce qu'on m'a fait... Je ne demandais pas qu'on dise que j'étais bon alors que je ne l'étais pas mais me faire porter le chapeau ou venir me frapper à l'entraînement... Il y a des limites à ne pas franchir. Je pense quand même avoir porté haut les couleurs du club. Certains ont peut-être la mémoire courte et m'ont enlevé l'envie de de venir au club.

Etes-vous néanmoins surpris des bons résultats de l'équipe depuis deux ans?

II y a un président qui fait du bon boulot. Ces joueurs qui mouillent le maillot pour ce club, c'est superbe. Est-ce que ça va durer ? Tous les joueurs aspirent à gagner davantage, à jouer dans des clubs qui disputent la Coupe d'Europe. Le club est sorti de l'enfer. A partir de là est né un esprit de compétition, de solidarité avec des joueurs qui, à la limite, s'en foutaient de gagner moins qu'ailleurs. Ils étaient heureux de jouer à Nice et d'être ensemble. La fin de saison dernière avec cinq défaites d'affilée m'inquiète néanmoins. J'espère qu'ils vont repartir du bon pied et que la dynamique sera toujours là.

Nice peut-il redevenir le grand club qu'il était dans les années 50 ?

Les bases sont bonnes. Nice peut devenir un club important mais le club est à la croisée des chemins. Un joueur comme José Cobos (36 ans) a quand même pratiquement tenu l'équipe à bout de bras la saison passée. Il a une influence importante. Mais il faudra le remplacer la saison prochaine. Il faudra voir l'après Cobos.

Au fait, vous n'avez toujours pas fait votre jubilé ?

Je n'ai pas trop envie de le faire... Si je l'avais fait, ça aurait été soit à Paris soità Nice. A Paris, il y en a déjà eu pas mal ces dernières années (Rai, Guérin, Fournier). Ça aurait fait réchauffé. Et à Nice, je ne sais pas... Autant, je me sentais aimé avant, autant maintenant ce n'est plus trop le cas. Je ne pense pas aux gens en général dans la ville car ils m'adorent mais aux autres. Le stade du Ray n est plus mon jardin...