Roberto Bisconti:

"On va s'en sortir tous ensemble"

 

Extrait

 

 

Roberto, sans te faire offense, tu es un petit peu l'inconnue parmi les dernières recrues. Peux-tu nous retracer ton parcours ?

J'ai grandi à Liège et je jouais dans un petit club, Saint-Nicolas. À 14 ans, j'ai rejoint le Standard, mais à l'époque on ne suivait pas une formation comme dans les centres français. La Belgique ne commence d'ailleurs que maintenant à se structurer au niveau de la formation. Mais les choses sont quand même allées très vite pour moi, j'ai signé mon premier contrat à 16 ans et joué mon premier match en professionnel un an plus tard. Après quelques années au Standard, j'ai connu des problèmes relationnels avec l'entraîneur et j'ai préféré partir. Quand lui a été viré, je suis revenu au club avant de partir quelque temps après pour l'Italie. Je me suis engagé avec le Milan, qui m'a prêté à Monza (Série B). Et puis avec le retour au Standard de Robert Louis Dreyfus et de Luciano d'Onofrio, qui s'occupait de moi, je suis revenu l'année d'après dans le club de mon coeur. Là, les choses ne se sont pas bien passées avec trois opérations en deux ans. J'ai d'abord eu une fracture de la malléole interne, puis comme les douleurs persistaient, on m'a « nettoyé » la cheville à deux reprises. J'ai fait seulement neuf matches sur la saison. L'année d'après, rien ne s'est arrangé puisque le travail effectué lors de ma rééducation a entraîné une inflammation du tendon. À ce moment, j'avais 27 ans et beaucoup de gens pensaient que j'allais mettre un terme à ma carrière. J'ai mis 1 an et 1 mois avant de retoucher le ballon. Le club m'a prêté à Charleroi où j'ai commence progressivement à revenir dans le coup. J'ai ensuite refusé de revenir au Standard. Je voulais quitter la Belgique où l'on m'avait collé une étiquette de joueur fini... J'ai donc pris la direction de l'Écosse et d'Aberdeen pour deux ans. La première saison a été exceptionnelle, j'y ai vécu de très grands moments. Par contre, il y a eu de très gros problèmes financiers lors de la seconde et finalement nous nous sommes séparés à l'amiable. La saison n'était pas encore terminée et je ne voulais pas rester sans jouer. J'avais des contacts en Angleterre qui n'ont pas abouti et j'ai donc décidé de partir en Roumanie, au Rapid Bucarest. Je connaissais l'entraîneur et il me voulait absolument. On a terminé champion et, à l'intersaison, je suis revenu à mes premières amours, au Standard. La saison dernière s'est très bien passée et voilà, j'ai atterri ici...

De toutes ces expériences que tu as vécues à travers l'Europe (Belgique, Écosse, Italie, Roumanie), lesquelles t'ont le plus marqué ?

Quand tu vis ce type d'expérience, tu apprends beaucoup à tous les niveaux. En Italie, ça n'a pas été facile. J'ai connu trois entraîneurs en un an. J'avais d'excellents rapports avec le premier, mais tout s'est vite dégradé avec le second. À son arrivée, il a voulu me faire jouer alors que je ne me sentais pas prêt. J'ai donc refusé et cela a créé une cassure entre nous. Avec le troisième, les choses se sont mieux passées. Lors de ce passage en Italie, j'ai découvert l'importance de la tactique, de la discipline et du travail défensif. Ils ont une culture à ce niveau vraiment spéciale. Pour ce qui est de l'Écosse, j'ai vécu une saison formidable. Cela faisait des années qu'Aberdeen végétait, et là, on termine troisième derrière les intouchables Rangers et Celtic. Personnellement, j'ai raflé tous les titres de meilleur joueur décernés par les supporters. Avec l'équipe que l'on avait, je pensais que l'on allait faire de grandes choses, mais la saison suivante, le groupe a explosé, faute de moyens. C'est dommage... Je suis quand même resté, j'ai joué quelques mois et puis je ne pouvais plus continuer dans ces conditions. Je me souviendrai toujours de l'attitude des supporters qui étaient prêts à aider le club à payer mon salaire pour que je reste ! Malgré cette fin, l'Écosse restera ma plus belle expérience à l'étranger, quelque chose d'extraordinaire.

Es-tu un globe-trotter dans l'âme ou était-ce tout simplement des opportunités que tu as saisies ?

Non, j'aurais bien aimé rester au Standard, mais chacun de mes départs était justifié... et motivé par des désaccords humains ou financiers. C'est le club de mon cœur et un grand club, mais je ne suis pas du genre à rester à tout prix quelque part.

La Roumanie est quand même assez spéciale comme destination...

Pour être honnête, j'ai beaucoup hésité. Je ne voulais pas y aller, mais quand tu as des problèmes avec un club... J'étais persuadé qu'une des touches que j'avais en Angleterre se finaliserait. Cela ne s'est pas fait, mais j'avais toujours une très grosse proposition du club écossais d'Hibernians. En signant là-bas, je prenais le pactole. Mais là encore, cela n'a pas abouti. Comme il fallait absolument que je joue, je me suis sacrifié pendant trois mois en allant en Roumanie... C'est totalement fou là-bas !
Pour vous donner un exemple, on avait négocié que je ne prenne pas grand-chose à la signature et en salaire, mais que je touche une grosse prime si je jouais au moins dix matches. Après le neuvième, on était déjà champion et je n'ai plus été aligné une fois.

Tu as opté pour Nice alors que tu aurais pu atterrir en Turquie. Peux-tu nous en dire plus...

En fait, j'ai eu deux propositions turques. La première de Genclerbirligi avec qui nous avions trouvé un accord financier, mais l'opération est tombée à l'eau. Et la deuxième, encore plus intéressante, du vice-champion Trabzonspor. Les dirigeants me voulaient depuis longtemps, mais financièrement leur budget était clos. Même si ma femme n'était pas trop pour, je comptais vraiment y aller. Pour eux, cela dépendait en partie de leur qualification pour la Ligue des Champions. À la mi-temps de leur match retour, le vice-président a appelé mon avocat en lui disant « Tenez-vous prêt, on va tout finaliser.. C'est bien parti! » Il n'a plus eu de coup de fil après la rencontre et en ouvrant le journal le lendemain, j'ai vu qu'ils étaient finalement éliminés. Malgré cela, les dirigeants sont encore revenus à la charge un peu plus tard, mais j'avais pris la décision de venir à Nice. J'aurais pu gagner près du double en allant là bas, mais le discours de Gernot Rohr m'a convaincu. Je me suis renseigné sur le club, notamment auprès de Deflandre et Runje. Tout le monde m'a dit que c'était un bon club, en construction, avec un super groupe. En plus, ma femme était très heureuse de ce choix, donc c'était l'idéal.

Dortmund était également sur les rangs pour t'accueillir l'hiver dernier. Devant autant de sollicitations, quels ont été les raisons et les arguments des dirigeants pour faire pencher la balance en faveur du Gym ?

C'est vrai, mais avant cela, l'hiver dernier j'ai également été approché par Paris. Je ne l'ai appris qu'après, mais Alain Roche est venu me superviser à plusieurs reprises. En fait, les dirigeants parisiens souhaitaient me recruter pour pallier le départ à la Coupe d'Afrique de deux de leurs milieux défensifs. Ensuite, Dortmund s'est manifesté. Par contre, là j'étais au courant parce que les journaux allemands parlaient de ma possible venue. Et puis les choses ont tergiversé et je crois qu'ils ont fait resigner Sunday Oliseh. Personnellement, je n'aurais jamais refusé une de ces deux offres. L'occasion de jouer dans un tel club ne se présente qu'une fois dans une vie. En fait, le Standard s'est opposé à mon départ. Les dirigeants ne voulaient pas me lâcher en milieu de saison. À cette période, cela a d'ailleurs provoqué pas mal de problèmes avec les supporters qui craignaient, eux, que je parte à Genk. Beaucoup de rumeurs circulaient et ils ne m'auraient jamais pardonné de signer chez un des ennemis du Standard. Après, pourquoi Nice ? Simplement, comme je le disais, parce que j'en ai eu de très bons échos et que le coach semblait vouloir me faire confiance. J'ai dit non à beaucoup d'autres propositions en Grèce et en Russie notamment pour venir ici.

Vois-tu Nice comme une étape de plus ou au contraire comme l'endroit où tu pourrais finir ta carrière ?

Même si j'ai dépassé la trentaine, je ne réfléchis pas encore en pensant à la fin de ma carrière. Ce serait bien de rester ici quatre ou cinq saisons, mais je suis bien placé pour savoir que les choses vont très vite en football. Je vais donc déjà m'impliquer pour faire une bonne saison et l'on fera le bilan en juin prochain. Je préfère raisonner de cette façon et si je dois rester plusieurs année, c'est que les dirigeants et moi serons bien ensemble

Le Standard est réputé pour être un club plus porté sur le business que sur le football. Est-ce que tes anciens dirigeants t'ont fait ressentir cette volonté de se séparer de toi à tout prix ?

L'année dernière. Ils avaient fait ce qu'il fallait. On avait une très bonne équipe avec une super mentalité. Il nous manquait un ou deux joueurs pour franchir un cap et faire bonne figure sur le plan européen. On s'attendait tous à ce que les dirigeants renforcent le groupe... et puis on a vu successivement partir Emile M'Penza et Almani Moreira (Hambourg), Jurgen Cavens (Anderlecht), Onder Turaci (Fenerbahce), Joseph Enakarhire (Sporting Portugal) et d'autres. Même si de bons joueurs sont arrivés (Runje, Deflandre, Leonard ou Conceicao), ça a cassé la dynamique. Vu la politique affichée, j'ai prévenu les dirigeants que j'avais pris la décision de partir.

Il est rare de débuter en sélection nationale à trente ans passés. Comment expliques-tu que tu exploses si tard ?

En fait, j'ai eu pas mal de problèmes dans ma carrière. On ne le sait pas encore ici, mais j'ai un caractère assez franc. Je dois tenir ce côté de mes origines italiennes. J'avais conscience que pour réussir, il valait mieux être une " p...", mais ce n'est pas dans ma nature. J'aurais dû commencer en sélection belge à 19 ans à l'époque où Paul Van Himst était sélectionneur... Vers 17 ans, j'ai été naturalisé et j'ai tout de suite joué avec la sélection espoir belge. Un peu plus tard, quand j'étais en Écosse, tous les journalistes ne comprenaient pas comment je ne pouvais pas être en équipe nationale. En fait, je m'étais accroché avec Robert Waseige lorsqu'il était entraîneur du Standard et il me le faisait payer. Mais en voyant quels joueurs il y avait en sélection, je savais que je pouvais avoir ma chance. Surtout avec la nomination d'Aimé Anthuenis à la tête de la sélection. À l'époque où il dirigeait Anderlecht, il tenait absolument à ma venue, finalement cela ne s'est jamais fait, mais je savais qu'il appréciait mon jeu. D'ailleurs, mon retour au Standard n'était pas étranger à la sélection, je savais qu'il fallait que je rentre au pays pour avoir ma chance. D'ailleurs, j'ai annoncé la couleur dès mon arrivée en expliquant que si j'avais resigné en Belgique, c'était pour « m'imposer et connaître la sélection ». Et c'est ce que j'ai fait. Les journalistes ont dit que j'étais trop vieux, mais Anthuenis m'a quand même fait confiance. J'ai débuté contre la France, je suis ensuite rentré lors de trois matches amicaux suivants pour être finalement titulaire pour une victoire aux Pays-Bas. J'ai ensuite fait un bon match en Norvège, mais sous la pression, le sélectionneur a opté pour une tactique plus offensive en titularisant Wesley Sonck (Ajax) dans le couloir droit. Mon poste de prédilection étant dans l'axe, j'espère toujours retrouver une place de titulaire.

Désormais, la sélection beige est-elle une priorité à tes yeux ?

Pour moi, la sélection était un objectif depuis toujours. En Be!qique, ce n'est pas comme en Italie ou en France, je savais que ce n'était pas inaccessible.Mais ma priorité reste mon club, c'est avec lui que je suis lié par contrat.Je donnerais donc tout pour l'OGCNice, mais si les choses se passent bien, il est fort possible que je reste en sélection. les deux sont liés. On m'a demandé en Belgique si je n'avais pas peur de perdre ma place en venant à Nice, mais j'ai répondu que c'était un défi pour moi de m'imposer en France.

Tu as eu l'occasion de croiser ton nouveau coéquipier, Edgaras Jankauskas, lors d'un match éliminatoire pour la Coupe du Monde 2006 entre la Belgique et la Lituanie il y a quinze jours. Avez-vous eu l'occasion de discuter et qu'as-tu pensé de sa prestation ?

On s'est salué, mais je l'avais déjà rencontré quelques fois dans le championnat belge. Il m'a bien plu, il sait garder le ballon. En plus, il nous a assassinés (rires)... Mais bon le résultat nul était logique parce que c'était vraiment un mauvais match. Il a le profil de ce qui nous manque actuellement. Avec lui et Agali, je pense que l'équipe aura un autre visage.

Le football français est-il pour toi un championnat que tu avais envie de découvrir ?

Oui, je le place d'ailleurs parmi les plus grands. Il n'y a qu'à voir les performances de Monaco et Lyon la saison dernière ou celles de l'équipe nationale depuis dix ans. Je connais la rivalité entre les Belges et les Français, mais il n'y a pas photo.

Même si tu n'as disputé qu'une rencontre de Ligue 1, as-tu déjà un avis sur le niveau par rapport aux autres championnats que tu as connus ?

Chaque championnat a ses spécificités. En Écosse par exemple, il m'a fallu 4-5 matches pour tenir le rythme d'une rencontre. Même s'il est difficile de me faire une idée précise après seulement un match, je pense que le niveau est bien supérieur à la Belgique. Seul Anderlecht, Genk et Bruges pourraient faire bonne figure en France.

Comment se passe ton adaptation ?

Bien ! C'est souvent ce qui fait peur à un joueur. C'est un peu comme une rentrée des classes où vous ne connaissez personne. Sincèrement, je n'avais jamais connu une telle ambiance dans un groupe dans toutes mes expériences à l'étranger. On m'a accueilli, on me conseille, on m'aide... Les joueurs, le Président, les salariés, tout le monde est vraiment gentil. C'est un club familial.

La Côte d'Azur ne doit pas être la moins belle des régions où tu as signé...

Je peux même vous dire qu'il s'agit de la plus belle. En Belgique, beaucoup de monde rêve de finir ses jours sur la Côte d'Azur. Mais je n'ai pas signé ici pour ces raisons. Cela a été une bonne nouvelle pour ma femme (rires). Moi, il me reste quelques années et je compte bien profiter du foot au maximum. J'ai aussi refusé une offre de Caen plus intéressante financièrement. Même si c'est important, il n'y a pas que l'argent. La famille, le club, l'ambiance, les ambitions sont autant de paramètres qui m'ont poussé à signer à l'OGC Nice.

Tu es réputé pour avoir le sang chaud. Est-ce aussi pour ces qualités de battant que Gemot Rohr tenait absolument à te prendre ?

Je crois qu'il voulait aussi que j'amène ça. Je pense que c'est un critère important dans son recrutement parce que je me rends compte que beaucoup de joueurs de l'effectif ont cette caractéristique. Mais il n'y a pas que ça, il y a également du talent.

Pour toi, quelles sont les forces et les faiblesses de l'équipe?

Pour ce qui estdes forces, j'ai eu la sensation que l'on est bien organisé. On laisse très peu d'espace et de liberté à nos adversaires. L'équipe est très forte dans les duels, mais aussi psychologiquement. Je pense que la principale force est dans la mentalité. Pour ce qui est des faiblesses, on a un groupe de qualité, mais je pense que notre jeu nécessite l'apport d'un joueur solide devant, capable de garder le ballon. Quand on sera au complet, on aura toutes les possibilités avec Agali et Jankauskas en pivot, mais aussi avec un joueur comme Vahirua dans les espaces, qui m'a beaucoup plu à l'entraînement. Je suis confiant, on va faire de bons résultats.

Penses-tu que le mauvais début de saison pèse psychologiquement sur le mental du groupe ?

Dire « non » ne serait pas honnête, mais tout va très vite. Il suffit d'un ou deux bons résultats et le moral remontera à 100 %. À Lille, le but dans les arrêts de jeu a été un coup dur, mais on a bien l'intention de renverser la tendance contre Sochaux. J'ai hâte d'y être pour découvrir ce public que l'on m'annonce si chaud.

Quelles ont été tes sensations pour ta première ?

Pas mauvais justement pour un premier match. J'avais le trac, mais ça a vite été mieux. Sinon, je me suis senti fatigué sur la fin. C'est normal, il me faudra quelques semaines pour m'adapter totalement.

Que manque-t-il actuellement pour inverser la tendance ?

À Lille, l'équipe était bien en place. Si on avait eu un attaquant costaud, je pense que l'on aurait pu montrer autre chose. Ce n'est pas la faute de Linz, ce n'est simplement pas son style de jeu. Il sera plus utile en deuxième attaquant. Un point de fixation nous aurait permis de faire remonter l'équipe en nous appuyant sur lui. Comme je le disais précédemment, je pense qu'avec Agali et Jankauskas, ça ira beaucoup mieux.

La réception de Sochaux est-elle un tournant ?

C'est simple : on ne peut pas perdre ! Peu importe la manière, on ne peut pas se permettre de se laisser décrocher au classement.
 

Tu vas découvrir le Ray à cette occasion. Le public est-il important à tes yeux ?

Très! C'est le public qui te pousse à te surpasser. En Écosse, j'ai connu des supporters fidèles, quelles que soient les situations. C'est inoubliable. Ça m'a changé des supporters du Standard qui te tombent dessus dès que tu rates une passe. On m'a beaucoup parlé de ceux de Nice et j'espère qu'ils seront à la hauteur de leur réputation. On va s'en sortir tous ensemble.

As-tu un message à leur attention ?

Celui-là justement, d'être toujours derrière nous. N'importe lequel d'entre nous doit être soutenu quand il a la tête dans le sac. On est une grande famille dont les supporters font partie. Il n'y a pas de tricheurs dans le groupe et je pense qu'il mérite ce public.

 

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