Ben Haddou :
" Si un gosse d'une zone difficile veut réussir, il faut qu'il parte..."
Extrait
Tu as un parcours atypique pour un footballeur. Raconte-nous les différentes étapes de ta formation jusqu'à l'intégration d'équipe pro ?
Mon parcours est assez simple. J'ai effectué toute na formation à La Trinité, jusqu'en junior. Nous jouions véritablement pour nous amuser sans pression. Ensuite, j'ai poursuivi une année à Saint-Sylvestre, puis une autre au Cavigal en équipe de Ligue. Comme je n'avais pas de propositions mirobolantes et de véritables aspirations, je me suis retrouvé en promotion première division à l'AJCN, le club de mon quartier ! C'est vrai qu'en rapport à la plupart des jeunes de ma génération, jouer à 20 ans au plus bas niveau du district, n'est peut-être pas la meilleure formation, mais l'essentiel est là : je prenais réellement du plaisir sur un terrain...
Et la suite ?
La suite s'est d'un coup accélérée.
Vallauris, qui était à l'époque le meilleur club amateur du département, me
repère et me demande de venir faire un essai. Tout se passe plutôt bien et je
signe là-bas. Le club évolue en National 2 et se bat pour le maintien. Mais
personnellement, le fossé ne se fait pas trop sentir. Je commence sérieusement à
prendre mes marques et me retrouve en fin de saison avec pas mal de
propositions. Si mes souvenirs sont bons, j'avais Lille, Martigues et Nice...
Alors pourquoi avoir choisi le Gym ?
Pour la proximité. Tout simplement.
J'étais bien chez moi et je ne me voyais pas partir.
Quand on ne sort pas d'un centre
de formation, quelles sont les principales lacunes auxquelles on doit faire face
?
Jamais je n'aurais imaginé un jour
pouvoir évoluer au plus haut niveau. C'est bizarre, mais je pense que le fait de
ne pas avoir pensé qu'à ça, fut un avantage pour moi. Devenir professionnel n'a
jamais été un objectif dans ma jeunesse. Je n'étais donc pas fatigué, cassé
psychologiquement comme pouvaient l'être certains jeunes.. Mentalement, il ne
pouvait rien m'arriver. J'étais blindé...
Le fait d'être Niçois, est-ce
finalement un handicap ou un avantage pour percer ?
Pour moi, incontestablement, un avantage. Je suis tombé à unee époque où beaucoup de Niçois commençaient à évoluer en équipe première.. Les Cubillier, Grégorini ou Gagnier pointaient le bout de leur nez et se montraient fiers d'être Niçois. Roger Ricort m'a donc recruté dans ce sens. Il comptait donner à terme, une connotation niçoise à l'équipe première. Maintenant, les choses évoluent et paraissent différentes dans la mesure où la concurrence est rude entre les clubs. Les centres de formation recrutent de plus en plus tôt et si vous passez à côté d'un gamin, il n'est pas sûr de le retrouver après, Niçois ou pas... Les jeunes à partir de 13 ans n'hésitent plus à partir. Un éloignement n'est plus un problème pour les familles.
Comment gérer le passage du monde amateur au monde pro ?
Depuis mon enfance, je joue au foot pour m'amuser. Même si c'est devenu mon métier, je pense n'avoir jamais perdu la notion du plaisir sur un terrain et forcément cette manière d'aborder les choses vous ôte toute pression. Je rentre sur le terrain du Ray de la même manière que sur celui de mon quartier l Malgré l'enjeu, ce n'est qu'un match de foot. Et puis sans tomber dans le démagogie, il y a des choses bien pus graves ds le monde pour se prendre la tête avec qui joue ou qui joue pas...
Paradoxalement tu n'as jamais
quitté ton quartier De quelle manière tes potes ont-ilsaccompagné ton ascension
?
En fait, si je n'ai qu'un regret, c'est bien celui-là... Je m'explique : si un gosse d'une zone difficile veut réussir, il faut qu'il parte, qu'il s'en aille loin de chez lui. Je le pense vraiment et en aucun cas, c'est une façon de rejeter mon passé. Je suis fier de mes racines, mais c'est une erreur que j'ai faite. En gros, mon seul regret dans ma petite carrière...
Est-ce qu'il est indélicat de te demander plus d'explications ?
Non, non... J'assume ce que je dis.
Le problème, c'est que tu sors d'un endroit où 50% des gens touchent le RMI.
C'est dur pour eux et il peut y avoir certaines confusions avec les clichés du «
foot-buisiness ». Du jour au lendemain, on te voit à la TV, dans les journaux et
inévitablement, une certaine confusion s'installe dans la tête des gens. On
assimile tout de suite votre image avec celle des contrats faramineux, de
l'argent facile et des grosses voitures... À partir de là, le regard change,
c'est compréhensible mais inévitable.
À quel type de malaise fais-tu
allusion ?
Il y a des réflexions qui font mal.
C'est tout et ça s'arrête là. Je n'ai jamais fui mes racines et jamais oublié
d'où je venais. Seulement, il faut comprendre que c'est normal et que personne
ne peut rien y faire. Pour réussir, il faut partir et éviter ce genre de
considérations. J'en ai parlé à Johan Audel, pour qu'il évite de refaire les
mêmes erreurs, mais apparemment, il ne m'écoute pas...
À 27 ans, ta carrière semble
encore devant toi ?
Cette année, ça va être dur de
rejouer. Je fais tout pour, je m'entretiens et les efforts commencent à payer.
Mais je sais pertinemment que mon aventure à Nice touche à sa fin. Je n'ai
d'ailleurs aucun regret vis-à-vis de ça.
Qu'est-ce qui ressort de ces
années niçoises ?
Mon seul regret vient seulement de
ma blessure. Elle a considérablement ralenti mon parcours. Elle m'a coupé les
ailes dans mon élan. J'ai dû repartir de zéro. Aujourd'hui, je retrouve
seulement le goût du terrain. J'espère simplement que le travail finira par
payer. Je m'entraîne donc pour ça !
Quel rôle peux-tu jouer auprès
des jeunes qui t'entourent ?
Je n'ai malheureusement pas assez
d'impact. Vous savez, quand vous êtes pro, tout semble facile. Il est délicat de
faire une réflexion, de donner un conseil sans s'entendre dire : « Mais, pour
toi, c'est facile de nous dire quoi que ce soit. Tu gagnes des millions! ». Le
problème est le même que le précédent. On ne voit que les bons côtés, les
millions, la flambe et la réussite. Personne ne pense aux heures de bus avalées
avec la CFA ou aux efforts consentis pour en arriver là. À l'époque de
Vallauris, nous revenions souvent vers 3 ou 4 heures du matin de déplacement et
il m'arrivait souvent d'attendre le premier train de 7 heures pour rentrer chez
moi. Seulement voilà, l'image qui prédomine est celle d'une réussite rapide,
d'un but et d'un coup de chance avec un gros pactole à la clé...
Malgré tout, la réussite
financière ne semble pas te poser de problèmes...
Je ne suis pas quelqu'un qui
m'enflamme. J'ai gardé le même train de vie. Il est d'ailleurs toujours aussi
décent. N'oublions pas aussi qu'une carrière est courte. Avec cette vision des
choses, il ne peut y avoir de problème avec ça.
Comment vis-tu cette différence
?
Je ne regrette rien. J'ai grandi à
l'Ariane, mes amis sont là-bas et les meilleurs souvenirs de ma vie y sont liés.
Seulement, pour vivre pleinement une carrière, il est important de peut-être
quitter ses racines afin de mieux les retrouver ensuite. J'espère maintenant que
n'importe quel jeune d'ici qui a des possibilités suivra mes conseils.
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