Frédéric Antonetti:
« Pas prêt à revivre ça »
L'Equipe
Frédéric
Antonetti, l’entraîneur de Nice, va rester à son poste. Mais il veut que le
climat change au sein du club. Frédéric Antonetti n’est pas près d’oublier une
saison difficile où le maintien n’a été acquis qu’à l’avant-dernière journée. À
quelques jours de l’ultime match face au Mans, l’entraîneur de Nice ne retire
rien aux mots prononcés le week-end dernier : « Bravo aux joueurs. Ils n’ont pas
été épargnés par les saloperies. Mais il faut vite dégager les médiocres. Ils
ont un pouvoir
de nuisance terrible. » Dans des termes plus posés, mais aussi plus précis, il
dénonce ce qu’il appelle « un gros gâchis » au sein du club.
Vous sentez-vous
soulagé d’avoir obtenu le maintien en Ligue 1 ?
Soulagé mais sceptique. Ce qui se passe ici ressemble à un gros gâchis. Nice est un des clubs français avec la plus grosse marge de progression. Le potentiel humain est extraordinaire. On peut remplir un stade de 40 000 ou 50 000 places et rivaliser avec Lens, Lille ou Rennes. Mais, ici, tout est compliqué. Ainsi, le report de la construction du stade et un début de Championnat raté ont failli tout faire capoter. Ils ont fait ressurgir les vieux démons.
C’est-à-dire ?
Après six
matches, on n’avait que 1 point et certains n’attendaient que ça. L’an passé,
quand on a été finalistes de la Coupe de la Ligue et huitièmes de L 1, on n’a
entendu personne. Mais, là, tout est ressorti, les rancoeurs et les envies. Les
frustrés ont recommencé à exister. Avec tout ce que cela sous-entend comme
pouvoir
de nuisance.
À qui pensez-vous ?
Un exemple : quel entraîneur accepterait qu’après une défaite le responsable du CFA (Gérard Buscher) parle aux joueurs et leur dise ce qu’il fallait faire ? C’est ce qui s’est passé. Autre chose : on m’a demandé d’intégrer un ancien joueur (José Cobos) au staff et, à la première crise, son unique démarche a été de dire : “Je prends la place de l’entraîneur.” Depuis, il n’est plus là, les résultats sont meilleurs et il n’y a plus toutes ces discussions avec les joueurs que je surprenais et qui se transformaient en silence à mon arrivée. Il n’empêche : certaines rencontres avec les joueurs ont toujours lieu. Je trouve ça pesant et ça ne peut pas continuer.
Que préconisez-vous ?
Rien. Je pose juste une question. Où sont les gens compétents ? Le centre de formation coûte 3 millions d’euros et un seul joueur en est sorti récemment, Lloris, qu’ils n’ont même pas entraîné. À un moment, ils doivent rendre des comptes. Lille a cinq ou six joueurs formés au club, Rennes pareil. Pourquoi ne les a-t-on pas ? Voilà, ce sont mes problèmes mais il y en a d’autres au club.
Lesquels ?
La division des actionnaires. Elle a abouti à ce que je sois viré 36 heures, en janvier, et à des décisions anormales. Fortuné (5 buts en 14 matches avec Nancy) devrait être chez nous. Mais des actionnaires n’en ont pas voulu et l’ont traité de “brêle”. L’avis négatif de certains a pesé plus lourd que celui de Ricort (directeur sportif) ou Antonetti.
Et les problèmes avec l’association ?
Ces gens-là ont envie d’exister, mais on peut exister en faisant une bonne école de foot. Je n’ai rien contre eux mais, quand ça allait mal, il ont eu accès aux actionnaires et ont été très agressifs. C’est inacceptable que des gens du club disent, au soir d’une défaite, que c’est le plus beau jour de leur vie. Ils font en sorte que la maison se lézarde.
Êtes-vous inquiet pour la suite ?
Oui : avec le 15e budget de la L 1, notre marge est réduite. Et on n’est pas à l’abri d’une mauvaise série ou d’un mauvais recrutement. Si on avait 50 millions d’euros de budget, je ne craindrais personne. On ferait une équipe pour finir dans les huit premiers et je vous jure qu’on y arriverait. Mais là, les mêmes causes entraînant les mêmes effets, tout peut recommencer.
Vous avez pourtant choisi de rester...
J’en ai envie et j’ai une énorme énergie. On va jouer le maintien mais ça ne me dérange pas. Ce qui me gênerait, c’est d’avoir les mêmes problèmes que cette saison. Je ne suis pas prêt à revivre ça. Je n’aurais plus la même attitude. Cette année, j’avais l’obsession du maintien, j’ai toujours été positif et je suis passé par-dessus beaucoup de choses. Je pourrais me ficher de la situation, prendre mon salaire ou jouer les mercenaires. L’an passé, un club huppé m’a fait un chèque en blanc. Mais, moi, je suis bien à Nice, je veux m’investir, faire progresser le club et aller plus loin. Mais il faut que tout le monde y mette du sien. »