Frédéric Antonetti:

"Je ne suis pas un calculateur"

 

Extrait

 

 

Week-end heureux, avec une victoire pour vous et Saint-Étienne qui ne bat pas Lyon ?

(II rigole)... Non, on ne peut pas le voir de cette façon ! Vous savez, j'ai laissé plus d'amis que d'ennemis à Saint-Étienne. Rien que pour ce public, j'aurais aimé qu'ils sortent vainqueurs dans ce derby. Si le club est en L1, nous y sommes aussi pour quelque chose...

Est-ce que l'on peut dire que si vous ne perdez pas à Metz, vous êtes quasiment sauvés dans ce championnat ?

Non. Ce matin (mercredi), j'ai dit aux joueurs qu'il fallait garder une certaine constance dans les résultats. C'est la régularité qui paie dans un championnat. Celui qui n'a pas de trous a généralement moins à craindre que les autres. Nous n'en avons pas eu et c'est ce qui fait la différence. À chaque fois, l'équipe a su réagir en grappillant quelques nuls à l'extérieur ou en prenant une victoire importante à domicile. Nous devons conserver cette ténacité dans les résultats, car nous ne sommes pas à l'abri d'un mois difficile. On a discuté ensemble de cet impératif pour être plus performant dans cette deuxième partie de saison.

Rolland Courbis vous a chambré la semaine dernière en disant que « c'était bien vu de votre part » de mettre la pression sur les arbitres avant un match aussi important ?

Je ne suis pas un calculateur. Vous commencez à me connaître, je réagis dans l'instant. Mes propos ne sont pas dirigés. À travers mon message, nous souhaitons simplement être traités normalement au niveau de l'arbitrage. Je ne veux pas que mon équipe soit avantagée, je souhaite simplement qu'elle soit logée à la même enseigne que les autres. Nous serons déjà gagnants...

Satisfait de la victoire, moins de la manière, toujours le même paradoxe mais pour une fois du bon côté...

Oui, c'est tout le paradoxe du foot, même si sur l'ensemble du match, nous avons eu les meilleures occasions. Nos vingt ou trente minutes de bonne qualité ont suffi pour prendre les trois points. C'est le plus important, même s'il faut retenir qu'Ajaccio ne nous a pas mis en danger.

Pour en revenir au côté « chambreur » de votre pote Rolland, croyez-vous vraiment à la pression médiatique ?

Oui, car la place des médias est très importante. Après, je ne parlerai pas de pression, mais quelquefois de désinformation possible. Prenons l'exemple d'un joueur, il y a souvent la valeur du garçon sur le papier et celle sur le terrain. Dans ce milieu, il y a énormément de réseaux et d'amitiés qui peuvent avoir une mauvaise influence sur les décisions. C'est pour cette raison que j'essaie de me fier à ce que je vois et non à ce que j'entends. Il m'arrive souvent d'être en décalage quand je lis qu'une équipe joue bien et ce que je ressens réellement. C'est le gros problème de la presse. Souvent, un geste technique suffit pour dire qu'un joueur est un crack.

Même si vous n'aimez pas autant que lui les médias, vos rapports avec les journalistes semblent revenus au beau fixe...

J'ai toujours eu de bons rapports avec les journalistes. Mis à part avec quelques « Parisiens » (il sourit), les gens que je côtoie ne sont généralement jamais mauvais. Après, c'est sûr, ils se comptent sur les doigts d'une main... Vous savez, je ne suis pas un flatteur et je ne cherche pas à charmer coûte que coûte, donc c'est forcément plus long pour construire des rapports. Par contre, si je ne suis pas un séducteur, j'essaie tout de même d'arriver à plaire par le travail que je fournis.

À force, vous ne deviendrez pas le « Cantona » des bancs de touche par hasard...

Non... car il est plus poète que moi ! Je dis toujours la vérité et les gens qui apprennent à me connaître changent généralement d'avis à mon sujet. Ma façon de convaincre, c'est par mon travail. C'est la manière dont j'ai été élevé et celle que j'essaie de transmettre à mes enfants.

Croyez-vous qu'il y ait moins de compétences en France dans les médias qu'en Italie ou en Angleterre par exemple ?

Non, ce n'est pas une question de compétences. Il y a simplement une hiérarchie comme de partout. Je ne vois pas pourquoi cette profession échapperait à la règle des bons, moyens et mauvais.

Souffrez-vous quand vous parlez tactique avec un néophyte ?

Non, je souffre davantage quand on évoque toujours le bon côté de notre rôle. J'aimerais qu'on appuie davantage certaines fois sur la difficulté que nous avons à bâtir un groupe, celle de le gérer ou celui de faire des choix. Ce n'est pas simple, mais pourtant, il y a peu de monde qui le mette en valeur. Après, je ne refuse jamais la discussion. Je comprends, par exemple, que la passion des supporters puisse déborder jusqu'au tableau noir...

L'ennuyeux n'est pas de devoir toujours se justifier...

Ça, par contre, je ne le fais pas. Je pars d'un principe que c'est la production des joueurs qui fait la compétence d'un entraîneur. Donc, cette responsabilité m'appartient. Contre l'ACA, il n'y avait pas la manière, mais il fallait un résultat. Si on veut bâtir, il faut des résultats. En prenant des points, on mise sur le présent. Lorsqu'on parle de contenu, on se projette dans le futur. Simplement, il ne faut pas perdre de vue que l'un dépend de l'autre. Il y a un décalage entre le travail fourni et ce que l'on produit. Ainsi, cette victoire nous donne du temps pour continuer à miser sur l'avenir. Chaque semaine, je regarde six matches sur dix dans ce championnat. Je pense avoir une vision assez juste de ce qui se passe. Je cherche toujours la formation qui marche et celle qui chute. Après, j'anticipe. Généralement, je ne me trompe pas. La formation qui marchera dans dix journées n'est pas toujours celle qu'on voit au moment où l'on se pose la question...

Nous allons vous prendre en tant que consultant « cote et match »...

Non, par contre, j'ai oublié de vous dire que je ne suis pas bon pronostiqueur sur une journée. Je préfère miser sur une série. Tiens, d'ailleurs, si Dieu veut, je vous montrerai au soir de la 38e journée, l'enveloppe du classement final que j'ai fermée et datée au soir de la dixième journée.... Vous verrez, je ne pense pas être loin du compte !

Est-ce qu'un entraîneur n'a pas tendance à tomber dans une certaine paranoïa à un moment donné ?

C'est normal qu'à force nous soyons paranos puisqu'il y a du monde sur le marché. Tout le monde veut notre place, il faut donc être vigilant (rire)...

Est-ce une façon de vous protéger de l'extérieur ?

Oui, car il y a toujours un décalage entre le résultat et la période où vous mettez tout en ordre pour y arriver. C'est dans ces moments que vous avez tendance à vous refermer. Le tout est de rester le même, d'être sincère dans son approche et de faire comprendre aux gens que ce n'est pas aussi simple.

...Peut-être, est-ce aussi une certaine lucidité sur le métier d'entraîneur où rien n'est jamais acquis ?

Oui, c'est vrai qu'il est important de toujours se remettre en question, et encore plus dans la victoire. Même si ce constat convient à toutes les professions, il est exacerbé dans le foot parce que c'est un métier public. J'essaie d'aborder ce particularisme en restant le même. Il est important de garder son naturel, de ne pas jouer un rôle qui ne m'appartient pas.

D'ailleurs, en 1997, vous aviez déclaré au journal « L'Humanité »:« Lorsqu'on est né comme moi sur une île aussi petite que la nôtre, on a tendance à ouvrir grands les yeux sur l'extérieur et à penser que tout ce qui n'est pas corse est forcément supérieur. En même temps qu'ils ont cette mentalité faite d'une sympathie naïve pour l'extérieur, les Corses sont devenus très exigeants pour leurs compatriotes qui ont des responsabilités. Je dois donc faire mes preuves en permanence. C'est bien, parce que cela ne me laisse pas le temps de m'endormir. C'est usant aussi. Je crois que je ne resterai pas entraîneur à vie à Bastia », maintenez-vous le fait que dans le foot, on ne fait que prolonger l'heure de son départ ?

C'est comme ça... Bien sûr, il y a toujours des exceptions, mais il ne faut pas le voir de cette façon. Je parle davantage de convictions. Je pense qu'à Bastia, j'aurais pu y rester toute ma vie et battre le record de Guy Roux. Simplement, à un moment donné, j'ai trouvé que je ne partageais plus la même analyse que les hommes en place. Dans ce cas, soit on change d'idée, soit on s'en va. Je suis parti aller voir ailleurs. Je ne voulais pas, non plus, m'encroûter dans un endroit. Il fallait que je sache si j'étais capable de réussir ailleurs. Vous voulez un scoop, je gagne trois fois moins à Nice qu'à Bastia à l'époque. Pourtant, c'est le challenge rouge et noir que j'ai choisi. L'important est également de progresser intellectuellement, connaître d'autres mentalités et découvrir d'autres horizons.

C'est délicat pour un coach de savoir qu'on n'est toujours que de passage ?

Non, car je peux tout autant rester 10 ans ici...

La vérité d'un jour n'est jamais celle du lendemain sur le terrain aussi. Le retour en grâce de Marama en est l'illustration parfaite...

Oui, nous sommes toujours à la recherche de la meilleure formule. Personne ne sait qui sera au top dans un mois et inversement. Le joueur qui démontre de l'envie tous les jours se doit d'avoir une chance. Ce fut le cas pour Pancho en début de saison. C'est souvent l'occasion qui fait le larron ou les événements qui décident. Au mois d'août, j'avais déjà dit à Marama que, pour moi, son avenir était dans l'axe. Il a les aptitudes pour créer et mener le jeu. Rester à travailler son replacement défensif. C'est indispensable pour passer un cap. Regardez la Champions League, tout le monde attaque et tout le monde défend. Ce sont les exigences du haut niveau.

Pourquoi avoir attendu avant de changer de schéma ?

On ne change pas comme ça. L'animation n'est jamais la même. Une évolution tactique s'accompagne d'une nouvelle donne offensive et défensive. Rien ne se fait donc du jour au lendemain, mais tout peut se faire dans la durée. Il faut donc laisser le temps avant de condamner.

Vous semblez aimer prendre les joueurs en tête à tête, les yeux dans les yeux ?

Non, je le fais devant le groupe aussi. Mais c'est vrai que le joueur est plus réceptif et je peux aller beaucoup plus loin dans la discussion en tête à tête. Certains ont quelques fois besoin d'une prise de conscience et nous sommes là pour les aider à le faire.

Pousser le joueur dans ses derniers retranchements, est-ce la base d'un meneur d'hommes ?

Non. Il y a la manière forte et l'approche douce selon le contexte et le garçon. Nous rentrons de plain-pied dans la gestion des hommes. C'est le plus difficile à expliquer....

Est-ce inné ?

Oui, je crois qu'il faut avoir certaines qualités au départ.

Peut-on comparer la période que vit Roudet  à celle qu'a vécue Vahirua ?

Nous pouvons mettre un Yahia aussi dans le lot... J'en discutais récemment avec l'un d'entre eux. C'est dans la difficulté que vous revenez plus fort.

Le fait d'être corse a-t-il pu être un handicap dans votre carrière ?

Dans ma vie professionnelle, oui. Je le maintiens, c'est un réel handicap. Il faut toujours prouver que vous n'êtes pas un voyou et que, quoi qu'il arrive vous serez honnête. Si je n'avais pas été corse, ma carrière se serait déroulée beaucoup plus facilement. Par contre, cela n'enlève en rien ma fierté d'être Corse.

L'est-il au Gym ?

Je n'ai pas l'impression puisque l'on m'a choisi. Après, vous remarquez que je n'ai pas entraîné plus haut que Saint-Étienne. Et encore, là-bas, on nous a appelés en pleine galère...

Nous n'avons pas parlé du mercato, volontairement pour éviter la langue de bois logique... La seule question qui peut s'expliquer reste de savoir s'il y aura du mouvement dans les deux sens ?

Des départs, non. Des arrivées, nous verrons. Il faut réfléchir au fait que deux attaquants seront absents durant la CAN. c'est-à-dire un mois et demi.

  

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