F. Antonetti :

« Nous sommes compétitifs »

 

 Extrait Le progrès de Lyon

 




Si sa cicatrice stéphanoise n'est pas complètement refermée, le nouvel entraîneur des Aiglons a retrouvé la passion et pose un regard pointu et parfois acerbe sur le football d'élite. Il évoque aussi l'avenir de l'OGC Nice et la confrontation « particulière » de demain, au stade du Ray.

Lorsque le calendrier de la Ligue 1 est sorti, avez-vous mis une croix sur les deux matches de Nice contre l'ASSE ?

Non, ce n'est pas dans mon état d'esprit. Ce sont deux matches parmi les autres qu'il va falloir essayer de remporter.

Ce seront tout de même deux matches particuliers pour vous ?

Je serais un menteur si je disais le contraire. Mon départ de l'ASSE est tout de même encore assez récent, même si aujourd'hui, dans le football, tout va très vite. J'ai vécu une formidable aventure dans ce club. Il y aura vraisemblablement pas mal de joueurs que j'ai entraînés dans le onze de départ de samedi. C'est toujours particulier de rencontrer des gens que l'on connaît bien. Voilà, ça s'arrête là.

Avez-vous définitivement tourné la page stéphanoise ?

Je garde une cicatrice qui n'est pas encore refermée. Mais je suis passé à autre chose avec l'OGC Nice. Ça fait partie de la vie d'un entraîneur.

Durant votre saison d'inactivité, on vous a peu vu, peu entendu. Mais vous n'avez pourtant pas abandonné le football.

Je n'étais plus dans l'actualité et ce n'est pas moi qui vais me mettre en avant. J'ai passé deux mois difficiles, juillet et août. Ensuite, la vie a repris son cours, j'ai fait en sorte de profiter de ma liberté pour suivre plusieurs matches par semaine. De Ligue 1 et de ligue 2. Du vendredi au dimanche soir, j'ai fait le tour des stades en France en compagnie de Nicolas Dyon (N.D.L.R. : l'ancien préparateur physique de l'ASSE, qui travaille aujourd'hui à Nice avec Antonetti). Ça m'a permis de faire une évaluation des joueurs, des systèmes de jeu, car je pensais bien reprendre du service. Ça m'a beaucoup apporté. Ce fut une expérience intéressante et utile au niveau du recrutement. Ça fait du bien de voir le monde du football avec un regard extérieur, du recul.

Mais encore ?

J'ai pu voir, entendre, lire des choses que l'on ne perçoit pas lorsqu'on a la responsabilité d'une équipe. J'ai pu me faire une idée plus précise de l'évolution du football et de son environnement. J'ai l'impression qu'il existe deux footballs : celui du terrain et ce que j'appelle le football médiatique. Et deux types d'entraîneurs : les utilisateurs, qui s'efforcent d'atteindre un objectif avec les gars qu'ils ont sous la main, et les bâtisseurs, qui cherchent à faire progresser les joueurs, s'inscrivent plus dans la durée. Je m'inscris dans cette deuxième catégorie. J'ai remarqué aussi qu'il y a des gens qui savent plus se vendre que d'autres. Certains sont très forts en communication. Le lobbying, les influences existent. J'ai lu par exemple des analyses de match qui ne correspondaient pas à ce que j'avais vu. Il y avait des décalages. Heureusement, il reste la vérité du terrain.
Ensuite, avec le recul, on s'aperçoit que l'arbitrage en France est bon en général, même si parfois des erreurs sont commises.

Quel jugement avez-vous porté sur la précédente session de Ligue 1 ?

J'ai vu un bon championnat, beaucoup de bons matches, avec Lyon très au-dessus de tout le monde, pratiquement intouchable. Quant à cette saison, il y a trois, quatre équipes : Paris, Monaco, Marseille, voire Bordeaux qui ont le potentiel pour s'en rapprocher. Lens aussi sans doute. Et puis, de la huitième à la vingtième place, tout est possible. Ça ne tient pas à grand chose. À mon avis, ce sont les clubs les plus stables qui ont le plus de chances de s'en sortir. Je crois beaucoup à cette vertu-là. Je suis par contre étonné de la polémique créée autour du soit disant peu de buts marqués depuis le début du championnat. Il y a des 0-0 où je me régale autant que certaines rencontres où il y a des buts. Mais peut-être est-ce parce que je suis cela avec l'oeil du technicien. Que les défenses prennent le pas sur les attaques fait partie du football.

Avez-vous été surpris par la sixième place obtenue par les Verts ?

À un moment donné, ils ont su profiter du fait que Marseille, Paris, Bordeaux ont été absents. C'est tout à leur honneur .

Dans un passé récent, vous nous aviez confié préférer ne pas suivre les matches de l'ASSE. Et depuis ?

J'ai suivi leurs prestations en fin de saison dernière et bien sûr nous les avons observés dans la perspective du match de samedi.

Parlons maintenant de Nice. Il était primordial pour vous d'entraîner en Ligue 1 ?

C'est mieux, oui.

Quel est votre objectif avec le Gym ?

Le challenge niçois m'intéresse vraiment d'abord parce qu'il y a une véritable identité football dans cette ville. Dans deux ans, il y aura un stade de 32 000 places qui devrait permettre au club de franchir un palier. L'ambition, c'est de grandir tous les ans. Cette saison, les dirigeants m'ont dit que si nous finissions 12e, ce serait bien.

Vous pensez pouvoir faire mieux ?

Avec un budget qui est le 14e de L1 -il y a 10 millions d'euros d'écart avec celui de Saint-Étienne -on a essayé d'utiliser au mieux l'argent que nous avions. Mais il faut rester très prudent car comme je vous le disais, ça va tenir à peu de choses. On a une équipe compétitive.

Votre recrutement a été marquant avec les arrivées de Kone, Bagayoko, Anther Yahia, Rool, Tchato et dernièrement de Souleymane Camara.

C'est un recrutement que beaucoup de clubs auraient pu faire. Mon arrivée prématurée à Nice, le fait d'avoir pu observer pas mal de joueurs durant la saison, le travail mené de son côté par Roger Ricort nous ont permis de faire avancer les choses rapidement. Ma satisfaction est de disposer d'un groupe sain, qui vit bien ensemble, a envie de progresser et me rappelle beaucoup celui dont je disposais à Saint-Étienne. J'ai de bonnes sensations avec ces gars.

Parlez-nous de Bakari Kone, au sujet duquel vous ne tarissez pas d'éloges.

C'est un joueur que j'aurais voulu avoir à Saint-Étienne, que j'avais remarqué lorsqu'il jouait à Lorient en L2. On a eu la chance que les actionnaires et le président de Nice aient fait l'effort de le faire venir. C'est quelqu'un qui jouera obligatoirement dans un club du top 16 européen. L'étape intermédiaire pour y parvenir, c'est de faire deux saisons à l'OGC Nice.

À un autre poste, c'est le même genre de phénomène qu'Essien, que vous avez découvert, avec Christian Villanova, puis formé à Bastia ?

Lorsque Mickaël est arrivé en Corse, il avait 18 ans et c'était déjà un phénomène. À l'époque, j'avais d'ailleurs été surpris que peu de clubs européens s'y intéressent. La Champions' League lui a donné l'occasion de confirmer tout son talent. Il fait partie, au même titre que pas mal de joueurs de l'ASSE, des bonnes rencontres de ma vie d'entraîneur et j'en suis heureux.

Qu'est-ce qui fait sa force ?

Il est complet. On évoque souvent son impact physique mais c'est quelqu'un qui est très fort mentalement, et intelligent tactiquement. Il est bon de la tête, dribble, frappe des deux pieds, marque des buts. Sans compter qu'il peut jouer à plusieurs postes. C'est le joueur le plus talentueux que j'ai connu avec Lubomir Moravcik qui, dans un autre registre, aurait pu faire une toute autre carrière.

7e avec 8 points après cinq journées, le début de parcours de votre équipe est plutôt satisfaisant, non ?

Au niveau du nombre de points et du contenu des matches, oui. Il reste bien sûr des secteurs à travailler, à améliorer. Il est difficile de faire un bilan après seulement cinq journées mais je crois que nous sommes compétitifs, capables de contrarier tout le monde. On est « emmerdant » à jouer.

Le paradoxe, c'est de ne pas avoir réussi à vous imposer au stade du Ray alors que vous y êtes parvenus deux fois à l'extérieur (N.D.L.R. : à Toulouse et Paris), avec en point d'orgue l'expulsion injuste de Balmont contre Sochaux.

Lorsqu'on est célèbre et riche, on est avantagé par l'arbitrage. J'ai pu m'en apercevoir lorsque j'ai suivi les matches de Lyon la saison dernière. Alors que quand on est un petit club, il y a un déséquilibre dans les décisions. On n'arbitre pas Lyon comme Nice, c'est évident.

Vous avez aussi cité Saint-Étienne ?

Je ne me suis pas plaint de l'arbitrage pendant mes trois ans à l'ASSE.

Si, quelquefois !

Non, pas pour de grosse fautes. Je voulais dire que l'ASSE a une cote d'amour, un côté populaire, un public chaud. Tout cela crée un a priori favorable qui pouvait faire qu'à 0-0 (soupirs)... Voilà où je voulais en venir. Ce n'était pas pour laisser penser que l'ASSE était avantagée. On me dit que ça s'équilibre au bout du compte. Il me semble quand même que ça s'équilibre plus pour certains que pour d'autres...

Vous avez pris plus de points à l'extérieur qu'à domicile. Ça vous contrarie ?

Au Ray, on aurait peut-être mérité mieux. Une fois, ce sont les poteaux, une autre, le gardien adverse, une autre fois, la maladresse. Ou alors, on sort du match, on se déconcentre. Comme contre Sochaux. Il est très rare qu'une équipe prenne plus de points à l'extérieur qu'à domicile. Mais il est trop tôt pour tirer des conclusions. On y verra plus clair au bout de dix journées.

En attendant, votre victoire au Parc des Princes (1-2) a constitué une belle surprise.

Un nul aurait été plus logique mais ce succès a rééquilibré les comptes et permis de conforter la confiance du groupe. On a été opportunistes. Une victoire au Parc, ça n'arrive pas tous les jours.

Ça risque tout de même de vous faire drôle, samedi soir, sur le coup des 20 heures ?

Je réfléchis à çà parce que beaucoup de vos confrères me posent la question. Ce sera la première fois de ma carrière où je retrouverai autant de joueurs que j'ai entraînés sur le même terrain. Sur les 22, il y aura bien sûr les onze Niçois. Et en face, si on compte Papus Camara que j'ai eu à Bastia, il y en aura peut-être huit sur onze que j'ai côtoyés. Ça fait près d'une vingtaine. Ce sera particulier dans ce sens-là. En tous cas, je suis très heureux de les revoir car j'ai de merveilleux souvenirs, à la fois avec le public et une bonne partie du groupe. Je suis très content aussi que ces joueurs confirment en Ligue 1, que Saint-Étienne figure parmi l'élite. Quelque part, c'est une fierté de l'avoir aidé à la retrouver.

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