Pancho et Grégo sur le même bateau

 

Extrait

 

 

Que reste-t-il de vos années marseillaises ?

DG : Une, grande amitié et une grande complicité. C'est là-bas que nous nous sommes connus. On a vécu des moments difficiles ensemble aussi. Je me rappelle d'un stage dans le Morbihan où nous étions comme d'habitude tous les deux dans la même chambre, on s'est regardé et l'on a su que l'aventure marseillaise touchait à sa fin sportivement. Le coach venait de nous signaler qu'il ne comptait plus sur nous et forcément ça resserre les liens. C'était d'ailleurs juste avant de signer à Nice.

PA: J'ai des souvenirs à la pelle, mais je ne retiendrai pas la dernière année comme vient de vous l'expliquer Damien. Je préfère penser à des matches comme celui du maintien face à Sedan. Tout le monde nous attendait et il suffisait d'une défaite pour que nous descendions en L2. Vous imaginez le cataclysme. Les supporters avaient menacé tous les joueurs durant la semaine. Il y avait une pression énorme sur les épaules. J'avais 21 ans. Un minot lancé dans le grand bain. A l'échauffement, personne ne parle. D'un coup, je ne sais pas pourquoi je prends la parole et je dis maladroitement :« Allez, les gars. On gagne et on part tous en boîte fêter ça ! » Je sens un regard étrange sur mes épaules. Heureusement, c'est Patrick Blondeau qui est venu à mon secours. Il a repris derrière moi: « Le jeune a raison, il nous reste 90 minutes pour partir tranquillement en vacances... » J'ai vécu vraiment un match de fou. Dans les dernières minutes, Sedan égalise et s'il marque, nous sommes morts. Il reste une poignée de secondes à jouer lorsque Mionnet reprend de volée aux 6 mètres. Un tir que je contre du dos. C'est vraiment l'image que je retiens quand je pense à l'OM, de l'échauffement à la conclusion du match en passant par le retour dans l'avion...

Pancho, comment as-tu connu Damien ?

PA : Je ne sais pas pourquoi, on a accroché directement. Il venait de Nice. Nous étions deux petits jeunes et nous restions forcément plus ensemble. Depuis ce jour-là, on ne s'est pas lâché. Si... une fois. Lors d'un déplacement, j'ai voulu me mettre seul dans la chambre. Il est venu me voir et m'a dit: « Qu'est-ce que tu as, tu me fais la gueule ? » Je suis retourné avec lui sans répondre (rire)...

Pourquoi ce club n'arrive-t-il pas à garder une trajectoire linéaire ?

DG : Il y a beaucoup de mouvements et on ne laisse pas le temps aux dirigeants de construire sur la durée. Marseille, c'est Marseille à ce niveau-là. Question sérénité, il faut repasser.

PA : C'est vrai. D'ailleurs, je suis certain que le jour où l'OM gardera une certaine continuité, le club explosera... Il faut un remue-ménage permanent pour contenir l'ensemble. C'est bizarre, mais c'est comme ça. Un coach est viré, un autre arrive et les deux réunis calment tout le monde, supporters et dirigeants...

il serait donc impossible de construire quelque chose de sérieux à Marseille...

PA: Jamais, mais ce n'est que mon avis.

Damien, comment as-tu vécu ton passage là-bas ?

DG : La première année, tout s'est bien passé. Je venais de la D2 avec Nice et je découvrais le haut niveau. Ça allait plus vite et il a fallu s'adapter. J'ai quand même joué les six derniers mois et j'ai goûté à l'équipe de France Espoirs. Ensuite, c'est l'époque Bernard Tapie avec pas mal de tergiversations. Je devais jouer les rencontres de Coupe. Je ne les ai pas jouées. Il m'a fallu m'accrocher à la perspective de réaliser un parcours sympathique avec les Espoirs car je n'ai fait que deux matches dans la saison. En repensant à cette période, c'est vrai que le fil conducteur des Espoirs avec un championnat d'Europe en ligne de mire m'a permis de rester concentré. Durant ces moments, j'ai vraiment progressé mentalement. M. Perrin est ensuite arrivé et là, les choses ont été claires d'entrée, puisqu'il m'a nettement certifié qu'il ne comptait pas sur moi.

Est-ce finalement aussi bizarre de l'intérieur que cela paraît de l'extérieur ?

DG : Non, je ne le vois pas comme ça. Simplement, vous sentez tout de suite que ce n'est pas serein. C'est un contexte plus que particulier. Comme je vous le disais tout à l'heure, ça fait partie intégrante du club. Au bout d'un moment on s'y habitue.

PA : Je ne parlerai que de ce que j'ai vécu, c'est-à-dire les années Tapie. J'ai assisté à des trucs de fous. A l'entraînement, il débarquait des mecs que personne ne connaissait. Un nouveau disait à un plus ancien en courant : « C'est qui ? ». Il lui répondait en plaisantant : « Reste tranquille, c'est vraiment du costaud... » Pour moi, en tant que Marseillais, cela ne me chagrinait pas. Mais j'imagine un mec qui débarque d'une petite ville tranquille. Parfois dans le vestiaire, juste avant le match, on en voyait d'autres rentrer et dire : « Pancho, on compte sur toi! ». Tu réfléchis et tu sais que tu ne l'as jamais vu de ta vie. L'entraîneur, non plus (rire) ! C'est ça : Marseille de l'intérieur (rire) !

Quelle est la différence entre les deux villes ?

DG : Vous êtes déjà allé à Marseille ? C'est sûr que ce n'est pas pareil...

PA: Je ne vois pas trop de différence. Quand je faisais les courses à Marseille, tout le monde venait te parler et évoquer le prochain match, t'encourager... Quand je les fais à Nice, c'est pareil. Même si les deux cultures sont différentes, il y a un respect identique pour leur club de foot. A Lorient, on me disait tout juste bonjour.

Il n'y a finalement pas tant de différences puisque la plupart du temps vous restez à la maison en tant que casanier de service ?

DG : Après que ce soit Nice ou Marseille, c'est le terrain qui dicte votre adaptation dans un endroit. La seule différence vient de la taille des choses entre les deux villes. Il y a plus de grandes rues, d'énormes bâtiments et plus de grandes bouches (rire)...

PA: Déjà qu'à l'OM, je sortais peu. Ici, c'est pratiquement jamais. Je suis un peu comme Damien à ce niveau. Je crois que l'on ne peut pas se croiser un soir en ville, c'est peut-être pour ça qu'on s'aime (rire) ! Nous avons deux caractères entiers et l'on préfère rester en famille pour ne pas être déçus de l'extérieur...

Comment percevez-vous la vie de footballeur pro ?

DG : Beaucoup d'entraînements, énormément de don de soi sur une période donnée. Je reste persuadé que ce n'est que par le travail que l'on réussit. Il faut bosser, prendre sur soi, tout donner sur le terrain pour pouvoir se regarder dans une glace. L'essentiel est de toujours se remettre en question pour ne rien avoir à se reprocher ensuite.

PA : Je prends tous les moments comme les derniers de ma carrière. Le jour où je raccrocherai les crampons, je ne veux rien avoir à me reprocher. J'espère que personne ne pourra me dire . « Pourquoi tu n'as pas fais ça ou ça ?» J'essaie de tout mettre en oeuvre pour qu'il n'y ait pas de regret. Je veux tout tenter et aller jusqu'au bout de mes capacités sur un terrain.

C'est vrai que vous êtes deux travailleurs...

DG : Je répondrai pour les deux. On a les mêmes caractères. C'est simplement que l'on se donne à fond sans tricher. Pour durer, il faut une bonne hygiène de vie. C'est important, c'est un tout, puisque ça fait partie du métier...

Les relations avec la presse ne sont pas vraiment votre tasse de thé...

DG : Non, ce n'est pas qu'on fuit les médias. C'est plutôt eux qui nous fuient (rire) ! Vous savez, j'aime bien parler, mais quand tu vois certaines analyses, tu restes perplexe. Je préfère la franchise et il est vrai que quelques comportements sont à l'opposé de mes convictions. Donc, j'évite de me confronter à ce que je n'aime pas.

PA: J'assume. A un moment, dès que je voyais un journaliste, je m'échappais... Je n'ai pas honte de dire que j'ai mal vécu ma situation. Dans ces cas-là, vous évitez de trop en faire. J'ai pris du recul et j'ai renfilé le bleu de chauffe. Les derniers matches m'ont rendu de la confiance, donc je n'ai plus de raison de rester dans mon coin.

Loin du show-biz de certains coéquipiers...

DG : Je préfère rester en famille. J'ai deux enfants et j'ai rejoint Pancho dans le cercle des papas casanier...

PA: Je n'aime pas me montrer. C'est ma nature. J'ai, moi aussi, deux enfants et je veux rester le plus de temps avec eux. C'est mon seul loisir, mon vrai passe-temps, ma raison d'être...

En tenant compte de cet aspect, l'après-carrière, vous le voyez comment ?

DG : Je ne sais pas encore. Je passe les diplômes d'entraîneur. À Nice, on a la possibilité de les passer, donc il faut en profiter. On se prépare à tout sans trop se poser de questions, non plus.

PA : Je prendrai du recul avant d'aviser. Mais rassurez-vous, je ne peux pas lâcher le foot comme ça... je crois que je viendrai d'abord donner un coup aux jeunes du village des Pennes-Mirabeau, l'endroit où je fais construire ma maison. J'ai aussi le président d'Endoume, qui m'a demandé de venir donner un coup de main à la fin de ma carrière. Il y a donc deux ou trois pistes, mais par contre, je ne sais pas si le métier d'entraîneur me plairait. Cela doit être difficile de faire des choix...

Le milieu du foot vous convient-il ?

DG : Oui, mais je suis encore loin de tout ça. Dans une dizaine d'années, j'aurai toujours le temps d'y
penser. Et puis, en tant que gardien, j'ai plus le temps devant moi...

En revenant au terrain, quelle analyse faites-vous de ce début de saison ?

DG : C'est un bon début. Il ne manque que quelques points supplémentaires, notamment à domicile, pour que mathématiquement, nous soyons en osmose avec nos productions. Ce match contre Sochaux me reste encore en travers de la gorge...

Le penalty aussi ?

DG : J'en ai arrêté deux à Nice. Déjà que je n'en ai pas arrêté beaucoup, on me le refuse à chaque fois (rire) !

Et toi, Pancho ?

PA: Je pense que l'équipe est très performante. A domicile, nous pouvons vraiment faire encore plus mal, mais il faut laisser le temps pour que la mayonnaise prenne totalement. Il y a surtout des décisions arbitrales difficiles à accepter. Avec 3 ou 4 points de plus, l'équipe aurait largement été récompensée des efforts fournis.

La gifle à Lille semble avoir eu l'effet escompté puisque vous avez enchaîné deux rencontres sans prendre de but...

DG : C'est vrai que depuis Lille on a réagi. On a pris une bonne leçon même si tout n'a pas été mauvais pendant 70 minutes. On était parti sur de bonnes bases et puis, il y a ce coup d'arrêt brutal. On avait tendance à oublier les fondamentaux, de remporter les duels... Mais aujourd'hui, il ne faut retenir que l'essentiel. Nous n'ayons pas tendu la deuxième joue.

PA: Je suis d'accord avec Damien. Cela fait du bien de temps en temps à condition de réagir immédiatement derrière...

Où situez-vous le niveau de votre équipe dans ce championnat ?

DG : Il y a des joueurs de qualité qui sont arrivés, mais nous ne sommes qu'à la 10e journée. C'est trop tôt pour tirer des conclusions. Il faut apprendre à se connaître. Il y a un nouveau staff, il est important de poursuivre l'amalgame entre tous les nouveaux. Demain, seul l'enchaînement des victoires peut nous permettre de confirmer, au niveau des résultats, l'attente du public.

PA: Sincèrement, je n'étonnerai personne en disant que nous avons une belle équipe. Techniquement, c'est costaud. Il n'y a rien à voir avec les premières années.

Etiez-vous partis sur des bases trop offensives ?

DG : Depuis, le début, il y a une volonté de jouer. Ça n'a pas trop marché sur certains matches, mais au final, c'est ça qui peut nous permettre de franchir un palier.

PA: Je ne sais pas... je vous avoue que je ne sais pas trop quoi vous répondre.

En tant qu'anciens, avez-vous resserré les liens entre vous ?

DG : Quand vous prenez 4-0, ancien ou pas, ça ne vous fait pas plaisir... On est là pour se parler, communiquer, ce qui va bien, ce qui va mal. Pour faire un bon championnat, il faut une bonne défense. C'est la base.

PA : Dans quel sens ? Au niveau personnel, je crois que le début de saison a resserré les liens de tous. Entre nous, Damien m'a montré que l'on pouvait compter l'un sur l'autre. De toutes les façons, c'est dans la difficulté que l'on voit les amis...

De quelle manière a évolué le groupe depuis quatre ans ?

DG : Il y a eu des mouvements qui font que le club a évolué. Nous ne sommes que la face visible d'une progression générale de la structure. La qualité est en nette augmentation et l'ambition est là. Cela permet aussi d'évoluer personnellement. Il y a une bonne émulation.

PA: Le groupe évolue chaque année. Il prend de l'expérience, de la technique et de la vitesse. Le club donne vraiment l'impression de gravir les échelons les uns après les autres.

Comment êtes-vous perçus dans le groupe ?

DG : En tant que celui qui met les amendes (rire)... J'impose la rigueur ! Depuis deux ans, j'essaie de maintenir les règles. Les retards, par exemple, à l'entraînement, sont symptomatiques d'un comportement général, d'une attitude. Si tu arrives à la bourre au match, tu peux prendre un but d'entrée. Ça fait un à zéro et tu cours après le match.

PA : Je ne parle pas trop dans le vestiaire. Après sur le terrain, c'est différent. j'ai toujours été comme ça, que je joue, ou pas. Je pense être aimé par tous. Respecté plus certainement, tout autant que je les respecte.

Prenez-vous vos responsabilités ?

DG : II ne faut pas se voiler la face. On grandit, on passe des caps. La responsabilité fait partie intégrante d'une progression.
PA : Il le faut. Si personne ne le fait, on peut se faire bouffer en L1.

Samedi, les supporters ont témoigné leur soutien à votre égard. Le foot est-il si versatile que ça ?

DG : Je me donne à fond. Après, ça réussit, d'autres fois pas. Je le prendrai de façon positive en disant que ça forge un moral...

PA: Je fais avec. Je sais que la vérité d'un jour n'est jamais celle du lendemain. C'est un raisonnement classique mais qui correspond totalement à la philosophie du foot.

  

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