Pancho Abardonado:
"La flemme est là, elle ne nous quitte jamais "
Extrait
T'est u fait pote avec Christian Vieri à l'occasion de vos deux dernières confrontations ?
Non, quand même pas...
Mais j'ai pris énormément de plaisir à jouer contre lui. Il a été très réglo,
pas un seul coup par derrière, toujours à fond. C'est vraiment un monsieur du
football. Face à des attaquants de sa trempe, on apprend beaucoup et en 180
minutes, j'ai emmagasiné plein de choses. Il fallait absolument que je sois très
concentré, c'était primordial. On l'a vu à Monaco, je lui laisse dix centimètres
et il nous sort un retourné de folie !
En veux-tu à Bill
Tchato qui a récupéré son maillot ?
Non, pas du tout. Je ne
le voulais pas son maillot. Je n'ai jamais demandé un maillot à un adversaire
après un match. À chaque fois que j'ai échangé un maillot, c'est qu'on me
l'avait demandé, ou alors c'est avec mon ami Richard Martini. On a grandi
ensemble au centre de formation de l'OM, nous sommes restés très proches et
c'est le seul à qui j'ai demandé et je demanderai toujours le maillot. Ce n'est
pas l'envie qui m'en manque des fois, mais je ne pourrai jamais faire le premier
pas. C'est un mélange de timidité et de peur que l'on me dise non. Je n'y arrive
pas.
Quel est le joueur
avec qui tu rêverais d'échanger ton maillot ?
Au-delà du maillot, il y
a un gars que je voudrais vraiment rencontrer un jour, c'est Zinédine Zidane. En
fait, je l'ai déjà rencontré. J'étais au centre de formation et lui jouait à
Bordeaux. Un jour, j'étais du côté de la Castellane et il était passé en moto
avec son pote Malek que je connaissais. Ils s'étaient arrêtés, Zizou avait le
survêtement des Girondins et moi celui de Marseille. Malek avait pris des
nouvelles et avant de s'en aller, Zidane m'avait serré la main et souhaité bonne
chance. J'étais trop content, j'avais parlé avec un pro...
Et encore, tu ne
savais pas qu'il prendrait une telle dimension...
À ce moment-là, c'est vrai qu'il était difficile d'imaginer une telle suite à sa carrière. Mais il était déjà un grand espoir et faisait ce qu'il voulait avec le ballon. C'était déjà quelqu'un.
Revenons-en à Vieri, qu'il y a-t-il de spécial quand on défend contre un tel joueur ?
C'est un moment qui
marque une carrière. Vieri, malgré un manque de compétition et quelques kilos en
trop, ça reste le top niveau mondial, le genre de gars que tu ne vois qu'à «
L'équipe du dimanche ». Et là, on se retrouve face à face, on se livre de gros
duels, on transpire. J'ai vécu ça plusieurs fois, c'est une chance ! Se mesurer
à des gars comme Inzaghi, Boksic ou Vieri, c'est intense et inoubliable. Pour
les deux premiers, c'était encore pire, j'étais encore très jeune, j'avais
seulement 21 ans !
As-tu préparé cet
affrontement de manière spécifique ?
Comme à chaque fois, le
coach m'a mis en garde sur les qualités de mon principal vis-à-vis. Là, il m'a
prévenu que face à ce type de buteur le droit à l'erreur est limité. Il m'a
parlé de ses appels, de la manière dont il décroche. Il fallait que je sois très
attentif et que je ne me jette surtout pas. À Rennes, il avait eu deux actions
et avait marqué deux fois... En essayant de tenir compte de tous les paramètres,
j'ai fait du mieux que je pouvais.
En tout cas, Nice a
encore battu Monaco, cela semble presque facile pour vous...
Pas tant que ça (rires). Chacun de ces matches a été très différent. L'un s'est décanté sur la fin, l'autre s'est animé dès le début. De notre côté, comme lors de chaque derby nous nous sommes transcendés. Quoi qu'on en dise, Monaco c'est un potentiel européen chaque saison. Ce n'est pas rien ! Il a fallu qu'on se hisse à leur niveau, on a beaucoup travaillé depuis le début de saison, ce n'est pas pour rien. Il n'y a que comme ça que l'on peut concurrencer de tels adversaires.
Comment as-tu vécu ces deux matchs ?
Comme je vous l'ai dit,
d'un match à l'autre c'était très différent. A Monaco on était bien en place
derrière en position d'attente, on n'a pas eu trop d'occases. A Nice on est allé
de suite de l'avant, on n'est pas resté derrière et là on s'est procuré pas mal
d'opportunités. Je remarque par contre que chaque fois Monaco a eu la
possibilité de marquer et que ce soit Hugo au Louis-II ou Damien au Ray, il faut
tirer un grand coup de chapeau à nos gardiens. C'était pas évident.
Techniquement, Monaco c'est quand même le top français avec Lyon et Bordeaux.
Depuis la reprise de
janvier, Nice a réalisé un excellent parcours avec cette finale arrachée en
coupe de la Ligue, comme avec cet excellent parcours en championnat. Avoir fait
mieux que Lyon depuis deux mois, ça t'inspire quoi ? Que le travail paie ?
C'est exactement ça. On
récolte enfin les fruits des entraînements. On a bossé comme des fous depuis le
début de saison. Depuis janvier, on se rend compte des bienfaits de tous ces
efforts. Notre parcours le montre et je pense que les défaites contre Brest et
Le Mans ont fait office de piqûre de rappel. N'oublions pas d'où nous venons,
restons humbles.
Est-ce seulement une
question de réussite ou vois-tu d'autres choses qui aient pu vous aider à
repartir de l'avant ?
Je pense que le principal
est l'abnégation que l'on met à chaque effort, chaque entraînement et chaque
match. Même dans la difficulté, on n'a jamais rien lâché. Et puis physiquement,
Nicolas Dyon nous concocte des programmes de travail extras. Sur le terrain on
se sent bien, c'est très important. Cela montre à quel point ce parcours est
collectif, et je ne parle pas seulement des joueurs. Tout le monde a sa part de
mérite. Maintenant, il faut continuer dans ce sens, surtout que la suite ne va
pas être évidente avec Marseille, Lens, Auxerre, Paris ou Nancy. Il va falloir
répondre présent.
Pour ta part, ton
parcours cette saison est un peu à l'image de l'équipe. C'est en allant
crescendo que tu as fini par retrouver ton meilleur niveau...
Je me sens bien, dans le
jeu c'est de mieux en mieux, je balance moins, j'essaie de ressortir plus vite,
plus propre. C'est toujours plus intéressant pour l'équipe. Ça permet à nos
attaquants de recevoir des ballons dans de meilleures conditions, même si des
fois on n'a pas trop le choix. Mais la confiance est là, quand on est serein
c'est beaucoup plus facile.
Comment as-tu vécu ce
début de saison alors que tu entrais peu dans le onze de Fred Antonetti ?
Je n'étais pas bien, c'est toujours des moments difficiles... Mais le coach est toujours resté positif et ouvert avec moi. Il me conseillait dans le jeu, me disait de ne pas lâcher, que si ça devait venir ça viendrait. Ça m'a donné envie de me battre, je me suis mis dans mon coin et j'ai bossé. Je me répète un peu avec ça, jusqu'au bout. mais c'est essentiel.
Ne jamais rien lâcher,
c'est ta marque de fabrique?
Oui, on peut dire ça. Dans la famille, on a toujours été comme ça. Mes parents
n'ont pas eu la vie facile, ils ont dû se battre pour offrir un avenir à leurs
enfants. A mon tour j'applique donc cette approche de la vie, c'est en moi.
En tout cas, tu
sembles avoir encore progressé en ayant dû te battre pour retrouver ta place.
Penses tu atteindre ton meilleur niveau actuellement ?
Non, j'ai encore des
progrès à faire, principalement dans la relance. C'est vrai que des fois j'abuse
à dégager alors que j'ai le temps de faire autre chose (rire), mais je me soigne
je vous jure ! Plus sérieusement, c'est un secteur de jeu où je m'efforce de
mettre plus d'application en gommant les imperfections.
Comment le chien fou des débuts marseillais en 97 s'est mué en père tranquille
presque dix ans après ?
C'est vrai qu'à
Marseille, Bruno N'Gotty, qui avait joué au Milan AC auparavant, m'avait
surnommé Gattuso. Je courais partout, je criais, je parlais mal à mes
adversaires, sur le terrain j'étais un peu fou. Mais j'ai changé. Le déclic a
été la naissance de mon premier enfant. Etre père a changé ma vie et la vision
que j'en avais. Quand on a cette responsabilité, ce n'est plus pareil. Il n'y a
que Sammy qui ne changera jamais (rire) ! Mais qu'il reste le même, c'est le «
number one »! Sinon, dans le jeu, le fait de reculer en défense m'a aidé, mais
il n'y a pas que ça. J'ai une autre approche aujourd'hui, je suis plus calme, je
prends les choses avec plus de philosophie.
Le Gitan s'assagit-il avec le temps ?
Toujours un peu, mais la flamme est là, elle ne nous quitte jamais ! Je pense tout simplement qu'avec l'âge on réfléchit plus sur soi, les rapports avec les autres. Des fois, je joue un peu dur, même à l'entraînement ! Après coup je le regrette toujours, mais sur le terrain je suis comme ça, je me donne à 200%.
Aujourd'hui, entre Marseille et Nice ton coeur balance. N'est-ce pas dur de retourner au Vélodrome dans la peau de l'adversaire ?
Au début, c'est bizarre, durant l'échauffement, j'entends des voix qui m'appellent, je respire l'air de chez moi et je suis ému. Mais une fois le coup d'envoi donné, je ne connais plus personne, pas même mes coéquipiers des fois ! A Marseille comme n'importe où ailleurs, je défends toujours mes couleurs jusqu'au bout.
Vu la forme actuelle des deux équipes, une victoire à Marseille ne serait pas un si grand exploit que ça. Qu'en penses-tu ?
Je n'irai pas jusque-là, mais nous n'avons pas de complexe à avoir. En ce moment on est bien, ce n'est pas leur cas. Notre avantage sur eux c'est que l'on a des convictions qu'ils n'ont pas. Notre collectif est pour nous, la clé du match sera de retourner le public marseillais contre son équipe. Ils sont mal en ce moment, ils ont la pression, et comme je ne vois pas beaucoup de joueurs de caractère chez eux, ils peuvent très bien plonger si nous les aidons un peu.
Tes proches ne t'en tiendront pas rigueur...
Non, au contraire, ils me demandent de gagner. Il y a même des supporters marseillais qui m'ont appelé pour me dire qu'ils voulaient que Nice gagne à Marseille pour montrer au club que les valeurs de solidarité et de combativité sont essentielles. Ils savent que nous avons un état d'esprit extraordinaire à Nice, ils savent aussi qu'à Marseille ils sont à mille lieux de ça.
Du côté Mirabeau des Pennes où tu fais construire une maison, tu vas pourtant devenir ennemi durant 90 minutes...
Ouais, mais c'est de
bonne guerre. Cela reste du sport et quoi qu'il arrive, je défendrai toujours
mon maillot. Et puis je n'ai pas honte de dire que je suis aussi un bon nissart
(rire) !
Dans une précédente
interview, tu affirmais que Marseille et Nice se ressemblent dans la ferveur,
mais qu'à Marseille il est quasiment impossible de travailler dans la
continuité. La différence entre les deux clubs, c'est donc ça ?
Exactement. A Marseille
il n'y aura jamais de stabilité. Ça ne changera jamais... J'ai souvent Bernard
Casoni au téléphone, et lui l'a compris depuis longtemps, comme les anciens à
leur époque. Il y a une forme de fatalité.
Jeune joueur de l'OM
durant les années Tapie, quel regard portes-tu sur le retour médiatique des
affaires de 93 ?
C'est leur problème, je
ne m'en occupe pas. Comme je vous l'ai dit, de toute façon l'OM est comme ça.
Quand ça gagne, on est des dieux et quand ça perd chacun cherche à protéger ses
arrières et joue sa carte perso. Je suis encore en contact avec les kinés de
l'époque où je jouais, ils faisaient un boulot exceptionnel et pourtant ils ont
été mis au placard, c'est honteux.
Vas-tu lire le livre
d'Eydelie ?
Oui, je vais l'acheter.
Jean-Jacques en a délivré les grandes lignes chez Fogiel, il y a quelque temps,
ça m'intéresse. Je me souviens de cette époque, mais avec un regard d'enfant.
Pour moi, ce qui comptait c'est que le bus du club vienne me chercher et m'amène
au stade où je faisais le ramasseur de balle. On nous disait, « quand on gagne
tu traînes et quand on perd tu te grouilles de renvoyer le ballon ». Pour nous
c'était un rêve éveillé. On passait le match au bord du terrain avec une seule
idée en tête, rentrer serrer les joueurs à la fin du match. On n'imaginait pas
tout ce qui pouvait se tramer derrière.
Pour un Marseillais, quand l'OM va mal il reste quoi ?
« I AM », un groupe que
j'adore et que j'écoute souvent. J'ai eu la chance de les rencontrer quand je
jouais à l'OM, ce sont des gens bien. Quand j'ai le mal du pays, je mets un de
leurs albums et le moral revient.
En tout cas, rarement
Marseillais n'aura été si bien intégré au Gym. On ne te voit d'ailleurs plus
quitter le club dont tu es l'un des symboles depuis quatre ans...
Quand je suis bien
quelque part, j'y reste. Et à Nice, je suis très bien ! Ma femme s'y plaît
beaucoup, mes enfants aussi, et puis la famille n'est pas loin, on peut se voir
régulièrement. Tant que sportivement, humainement et financièrement ça va, je
n'ai aucune raison d'aller voir ailleurs. J'ai envie d'aller le plus loin
possible avec le club.
En parlant de
symbole, tu caractérisais au mieux le Gym combattant de 2002, mais on imagine
que tu apprécies d'être l'un des patrons de celui qui se montre très joueur en
2006. La plus belle progression n'est-elle pas là ?
Alors ça c'est énorme !
L'équipe a vraiment beaucoup évolué et n'a plus rien à voir aujourd'hui avec
celle de 2002 c'est clair. Tous les joueurs encore présents ont beaucoup
progressé et les recrues nous ont donné de nouvelles possibilités. Nous n'avons
cessé de monter en puissance depuis quatre ans. Grandir en gagnant et en jouant
bien, c'est porteur de beaucoup d'espoirs. Et pour ma part, faire partie d'une
telle aventure, ça m'éclate.
Tu feras bientôt
partie des rares joueurs non internationaux à avoir vu au moins trois fois le
Stade de France. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Pour l'instant, j'y ai
gagné et perdu une fois. Pour moi, ce sera donc une sorte de belle. Je ne m'y
projette pas encore, je reste concentré sur le championnat, mais j'ai déjà dit
aux gars que c'était magnifique de jouer dans un tel stade. C'est un truc qu'il
faut vivre dans une carrière. Je n'oublierai jamais le jour où j'ai soulevé la
coupe de France en tant que capitaine de Lorient. J'étais le premier de l'équipe
à prendre la coupe, et quand je l'ai soulevée, j'ai senti une clameur de folie
dans le stade, j'en avais des frissons !
Connais-tu l'histoire du Nice-Nancy de 1978 ?
Euh, non, désolé... En
même temps c'est l'année de ma naissance, ça remonte quand même...
Eh bien Nice avait battu Monaco en demi avant de perdre en finale contre
Nancy...
Carrément, mais je ne le
savais pas... (il hésite) Bon, ben alors on va changer le cours de l'histoire,
c'est aussi simple que ça (rire).
Que feras-tu le 22 avril vers 23 heures ?
Je serai dans les
vestiaires du Stade de France avec mes amis, du champagne et un gros cigare...
cette semaine
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